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Les Champs de la Machine

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title Les Champs de la Machine
author Sylvain Collin
publication Magic RPM
date 2013-07-03
issue 174
pages




"Les Champs de la Machine" is a 2013 interview in French by Sylvain Collin. It originally appeared in Magic RPM.


Original text

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Boards Of Canada

Dossier coordonné par Jean-François Le Puil

Article et Interview Sylvain Collin

Photographies Iain Campbell


Les Moissons du Ciel

La nostalgie comme arme de destruction massive : Boards Of Canada est allĂ© chercher dans le passĂ© un moyen (imaginaire) d’anĂ©antir l’idĂ©ologie du progrĂšs technologique que l’on nous vend au quotidien. La fratrie est revenue du voyage avec Tomorrow's Harvest, vĂ©ritable petit chef-d’oeuvre de la musique Ă©lectronique. ÉlaborĂ© pendant plusieurs annĂ©es, cet album exhorte l’auditeur Ă  fantasmer une fin du monde diffĂ©rente : une apocalypse ironique et onirique. Un dialogue fantastique et jubilatoire entre George Orwell et George A. Romero mis en son avec une prĂ©cision et une minutie exemplaires.


P28 Les Moissons du Ciel Boards Of Canada Ă  la lumiĂšre du jour d'aprĂšs.

P34 LA GALAXIE S’ANIME Dùs collùgues de tous bords incitent le duo à s’ouvrir.

P37 LA MUSIQUE DES RÊVES Clap clap de fin en compagnie de Michel Gondry


Marcus Eoin et Mike Sandison auront beau le nier, ils sont trĂšs soucieux de la maniĂšre dont le public perçoit leur musique. Il n'y a absolument rien de mĂ©prisable Ă  cela, bien au contraire. S'il avait pu, Stanley Kubrick aurait repeint lui-mĂȘme les salles de cinĂ©ma qu'il n’estimait pas assez obscures pour projeter ses ïŹlms. Pour Boards Of Canada, c'est un peu la mĂȘme chose. Bon, d'accord, ils ne viendront pas rĂ©gler eux-mĂȘmes l’équaliseur de votre chaĂźne hi-ïŹ ou changer la disposition de vos enceintes audiophiles, mais ils prennent soin de tous les dĂ©tails, de l'enregistrement jusqu'Ă  la promotion. Ainsi, c'est seulement lors de la sortie du LP prĂ©cĂ©dent, The Campfire Headphase (2005), que le duo rĂ©vĂšle du bout des lĂšvres ĂȘtre en rĂ©alitĂ© une fratrie. Pourquoi cacher un Ă©lĂ©ment biographique a priori anodin ? Principalement pour Ă©viter les comparaisons avec Paul et Phil Hartnoll d’Orbital, rĂ©torquent-ils Ă  l'Ă©poque. Curieux. Sans doute ont-ils aussi voulu Ă©chapper Ă  toute une sĂ©rie de questions intimidantes sur leur enfance, leur famille, etc. À ce titre, il est particuliĂšrement Ă©diïŹant de relire les papiers Ă©crits aux dĂ©buts des Beach Boys, de The Jesus And Mary Chain ou d'Oasis. En revanche, ce n'est pas difficile Ă  imaginer, mais les Sandison s'entendent beaucoup mieux que les frĂšres Wilson, Reid ou Gallagher. Gamins, ils jouent dĂ©jĂ  de la musique ensemble. Vers dix ou douze ans, ils bricolent sur un magnĂ©tophone multi-pistes. Plus tard, Marcus monte un groupe de mĂ©tal au lycĂ©e. Mike ne goĂ»te pas autant ce genre de musique, mais les deux frangins continuent de composer conjointement Ă  l'aide de leurs synthĂ©s. Le dĂ©but des annĂ©es 90 est le prologue de l'aventure de Boards Of Canada. Un cadre sonore se dessine lentement et des compositions prennent forme. Beaucoup de musique s'accumule sur les bandes. Assez pour sortir quelques disques, mais Mike et Marcus ne sont pas assez bons. Du moins, c'est leur avis, car pour avoir entendu quelques-uns de leurs vieux morceaux, des cassettes qu'ils distribuaient Ă  leurs amis jusqu'Ă  Boc Maxima (1996), cette premiĂšre mouture de Music Has the Right to Children (1998), ils n'avaient pas grand chose Ă  envier aux cadors de l’IDM de l'Ă©poque : Aphex Twin, The Orb, The Future Sound Of London, Autechre et Orbital, donc. Depuis sa premiĂšre publication, Boards Of Canada prend le temps de dĂ©grossir, de polir, de peauïŹner et de fignoler jusqu'Ă  parvenir au disque prĂ©cis qu'il a en tĂȘte. Mike confie mĂȘme ĂȘtre capable de dĂ©penser du temps et de l'argent pour rĂ©cupĂ©rer du matĂ©riel audio qui ne servira que pour une toute petite seconde de musique. VoilĂ  probablement pourquoi Tomorrow's Harvest mit sept longues annĂ©es Ă  aboutir.


ZOMBIE

Dans les musiques Ă©lectroniques, les dates de pĂ©remption des disques se rĂ©vĂšlent parfois courtes : les jours peuvent valoir des semaines et les annĂ©es des siĂšcles. Boards Of Canada est assurĂ©ment une denrĂ©e musicale non pĂ©rissable. Si le temps ne semble pas avoir de prise sur leur musique, ça n'est pas uniquement parce que les deux frangins sont fanatiques d'Ă©quipements vintage. Certes, les vieilles machines confĂšrent une certaine patine Ă  leur son, mais la situation gĂ©ographique de leur rĂ©sidence et de leur studio y contribue tout autant. C'est sĂ»r, dans la campagne Ă©cossaise oĂč sont reclus les deux compositeurs, le temps passe moins vite. Beaucoup moins vite. Si vivre ainsi isolĂ©s leur permet de dĂ©velopper un imaginaire diffĂ©rent, cela peut ĂȘtre aussi le chemin le plus direct vers le ressentiment antisocial et la paranoĂŻa. Comment trouver le juste Ă©quilibre ? "Ah ah, mais nous ne sommes quand mĂȘme pas des ermites !", nous prĂ©cise Mike Sandison par email, une façon de communiquer privilĂ©giĂ©e par le groupe Ă  l'heure de promouvoir Tomorrow's Harvest dans le monde.


"Quand nous parlons d’isolement, c’est d’un point de vue artistique, pas social. Nous ne ressentons pas le besoin de traĂźner dans un contexte urbain, de nous tenir au courant de tout ce qui se fait en musique, de ce qui est populaire, etc. Ce genre de choses - la mode, la culture urbaine - relĂšve du bruit pour nous, comme des interfĂ©rences radio. Et cela devient une grosse source de distraction lorsque nous essayons de crĂ©er notre propre musique. Je trouve qu’une bonne partie de la musique actuelle sonne comme si elle Ă©tait composĂ©e par des artistes qui regardent chacun par-dessus l'Ă©paule de l’autre. Je prĂ©fĂ©rais l’époque prĂ©-Internet quand les genres musicaux Ă©taient clairement diffĂ©renciĂ©s parce que ça permettait aux groupes et aux styles de musique en gĂ©nĂ©ral d’évoluer indĂ©pendamment et de se dĂ©velopper pleinement, de façon concentrĂ©e et exclusive. L’Internet et la vie urbaine hyperconnectĂ©e a dĂ©truit cette puretĂ© d’action."


Vous avez dit rĂ©trograde ? Les citĂ©s modernes Ă©mettent donc des ondes nĂ©gatives qui nuisent Ă  la crĂ©ativitĂ©. Pour surenchĂ©rir, comme il l’avouait rĂ©cemment (par mail) au Guardian en faisant rĂ©fĂ©rence au livre You Are Not A Gadget (2010) de l’essayiste amĂ©ricain Jaron Lanier, Mike considĂšre que "la technologie contemporaine nous donne souvent l’illusion du pouvoir alors qu’en rĂ©alitĂ© elle ne cesse de nous retirer notre libertĂ© et homogĂ©nĂ©ise le comportement des utilisateurs." Ce constat morose mais ïŹnalement pertinent sur la sociĂ©tĂ© a tendance Ă  se propager depuis quelque temps. Il rappelle la vison des films d’anticipation post-atomique des annĂ©es 70 - Soylent Green (1973), Logan’s Run (1976), Silent Running (1972), Phase IV (1974), etc. - et des sĂ©ries B paranoĂŻaques du dĂ©but des annĂ©es 80 (notamment les ïŹlms de zombie italiens). Assez peu perspicaces voire franchement fantaisistes sur le plan de la prospective, ces ïŹlms sont beaucoup plus intĂ©ressants sur ce qu’ils rĂ©vĂšlent de nos angoisses sociales ou Ă©cologiques et de nos phobies collectives. DerriĂšre l’apparence d’un clichĂ© Instagram, la pochette de Tomorrow's Harvest est au diapason : la silhouette des immeubles de San Francisco brise la ligne d’un horizon dĂ©solĂ© et disparaĂźt comme phagocytĂ©e par une lueur incandescente. On contemple alors une citĂ© agonisante, puis un mirage ; la rĂ©manence d’un futur utopique oubliĂ©... Une fois le disque posĂ© sur la platine, cette atmosphĂšre est presque palpable. Mike en rajoute une couche, toujours auprĂšs du Guardian:

""Nous sommes devenus beaucoup plus nihilistes au ïŹl du temps. Dans un sens, nous cĂ©lĂ©brons l’idĂ©e d’effondrement (ndlr: cf le titre Collapse au milieu du disque) plus que nous tentons d’y rĂ©sister: C’est probablement un album dĂ©primant mais ça reste une question de point de vue. Il ne s’agit pas tant d’une Ɠuvre post-apocalyptique, il y est plutĂŽt question d’une Ă©tape qui nous attend tous, inexorablement." "

VoilĂ  pour le dĂ©cor. Certes, en fonction de ses expĂ©riences cinĂ©matographiques, de ses lectures ou du rapport que chacun entretient avec la musique de Boards Of Canada, l’album n’évoquera probablement pas les mĂȘmes images. Le canevas dramatique Ă©laborĂ© ici par le duo Ă©cossais est d’une prĂ©cision telle que les collages alĂ©atoires et abstraits de ïŹlms Super 8 qui font office de vidĂ©os promotionnelles ne sont pas aussi pertinents. Non, mĂȘme si on y retrouve une certaine douceur sonore familiĂšre, Tomorrow's Harvest n’est vraiment pas un album d’electro ambient progressive ou un kalĂ©idoscope sonore acidulĂ©. Il a Ă©tĂ© conçu comme une bande originale de ïŹlm et se doit d’ĂȘtre Ă©coutĂ© ainsi. Malheureusement, aujourd’hui, plus personne n’est capable de tourner le long-mĂ©trage idoine et c’est sans doute aussi pour cela que la nostalgie opĂšre dĂšs les premiĂšres notes. Les frĂšres Sandison reconnaissent d’ailleurs volontiers avoir beaucoup Ă©tudiĂ© les compositeurs des sĂ©ries B des annĂ©es 70 et 80 : Mark Isham, Fabio Frizzi (compositeur de Zombi 2 en 1979, fausse suite italienne des ïŹlms de George A. Romero), Stefano Mainetti (Zombi 3, 1988), Wendy Carlos (The Shining en 1980, Tron en 1982) ou encore John Harrison. Ce demier semble trouver une place particuliĂšre dans leur panthĂ©on. Le motif sonore dĂ©clinĂ© sur White Cyclosa, un extrait de Tomorrow's Harvest, ressemble ainsi Ă©trangement Ă  l’introduction que Harrison joue sur The Dead Suite, un extrait de la BOF de Day Of The Dead (1985), le ïŹlm de George A. Romero. Certes, la tonalitĂ© gĂ©nĂ©rale de Tomorrow's Harvest n’est pas aussi oppressante et nihiliste qu’un ïŹlm de morts-vivants. Les atmosphĂšres sont plus nuancĂ©es et les sentiments qui s’en dĂ©gagent plus variĂ©s mais pas moins intenses. C’est en tout cas l’un des hommages les plus sincĂšres et Ă©mouvants rendus par la musique Ă©lectronique au cinĂ©ma de genre. Laissons maintenant Marcus et Mike Ă©tayer la belle affaire Ă  leur maniĂšre.

Quel est votre plus intense souvenir (musical ou extra-musical) de ces sept derniĂšres annĂ©es ? La reconnaissance artistique vous a-t-elle manquĂ© pendant tout ce temps ?
"Mike Sandison : Les naissances de mes enfants restent les souvenirs les plus intenses de ces derniĂšres annĂ©es. La paternitĂ© amĂšne Ă  ĂȘtre plus attentif aux problĂšmes de notre planĂšte sur le long terme. Sur un plan plus personnel, elle donne probablement une plus grande confiance en soi, de l’estime, ce qui aide Ă  moins tenir compte des avis et de l’approbation extĂ©rieurs. Du coup, je dirais que je me soucie encore moins d’une quelconque reconnaissance artistique. J’ai appris Ă  agir davantage avec mon instinct, mes tripes, et Ă  composer la musique que je veux vraiment entendre."
Le petit jeu pour la promo de Tomorrow's Harvest, qui consistait a rechercher des indices cachĂ©s sur diffĂ©rents supports et continents, Ă©tait amusant. Mais ne craigniez-vous pas que cela incite votre public Ă€ rechercher des sens cachĂ©s (et souvent dĂ©traquĂ©s) dans votre musique ? Ou cela fait-il partie de l’expĂ©rience musicale pour vous ?
"Marcus Eoin : Ça peut effectivement faire partie de l’expĂ©rience musicale mais il ne faut que cela paraisse forcĂ© ou artiïŹciel. La musique doit Ă©videmment se suffire Ă  elle-mĂȘme. En l’occurrence, nous pensions que ce procĂ©dĂ© pouvait accompagner de maniĂšre pertinente l’atmosphĂšre gĂ©nĂ©rale du disque. Ça nous a aussi donnĂ© l’opportunitĂ© de nous Ă©vader hors des limites du format audio et de crĂ©er un jeu qui implique l’auditeur."
On sait que vous apprĂ©ciez les ïŹlms d’anticipation paranoĂŻaques ou post-apocalyptiques allant de la fin des annĂ©es 60 au dĂ©but des annĂ©es 80. Les disques Ă©lectroniques instrumentaux sont souvent comparĂ©s Ă  de la musique de ïŹlm, et si la comparaison est souvent poussive ou paresseuse, elle semble rĂ©ellement pertinente dans le cas de Tomorrow's Harvest.
"MS : Oui, bien sĂ»r, c’est exactement ce que nous voulions faire. Nous avons toujours collectionnĂ© ces films-lĂ  ainsi que leur bande-son, c’est donc quelque chose qui a inïŹ‚uencĂ© notre musique depuis le tout dĂ©but. Et ça s'est fait de maniĂšre plus dĂ©libĂ©rĂ©e sur ce disque. Nous espĂ©rons que quiconque aime ce genre de cinĂ©ma sera suffisamment inspirĂ© par Tomorrow's Harvest pour y appliquer ses propres interprĂ©tations visuelles."
The Campfire Headphase Ă©tait construit comme une collection de pop songs alors que Geogaddi (2002) Ă©tait un disque d’ambient beaucoup plus abstrait. La structure gĂ©nĂ©rale du nouvel album est rĂ©ellement plus Ă©laborĂ©e.
"MS : En fait, nous avons dĂ©cidĂ© trĂšs tĂŽt que nous voulions lui donner la forme d’une musique de film mais rĂ©aliser un tel disque sans que cela ne sonne trop tartignole est un vĂ©ritable challenge. Alors quand nous avons commencĂ© Ă  y travailler, nous avons Ă©coutĂ© beaucoup de bandes originales, celles des annĂ©es 80 notamment, en nous focalisant sur certains points prĂ©cis, en Ă©tudiant les pratiques du genre en matiĂšre d'agencement et de timing. Les idĂ©es que nous avons retenues nous ont alors donnĂ© un cadre, une structure qu'il s'agissait ensuite d'Ă©toffer. Nous savions par exemple exactement comment la suite devait commencer et comment elle allait finir."
Pouvez-vous nous citer une bande originale de film en particulier?
"MS : Non, il n'y a pas eu un thĂšme ou une BOF en particulier qui nous a inspirĂ©s. Comme je le disais, nous avons surtout façonnĂ© les Ă©lĂ©ments sonores et visuels de Tomorrow's Harvest en fonction de nos souvenirs de certains films de cette Ă©poque, gĂ©nĂ©ralement sombres et pessimistes. Il y a beaucoup de longs-mĂ©trages Ă  petit budget basĂ©s sur le "survivalisme", l'horreur, la conspiration politique, la science incontrĂŽlĂ©e, etc. Dans ces oeuvres est communĂ©ment employĂ©e une musique Ă©lectronique qui oscille entre des rĂ©pĂ©titions sinistres, une ambiance synthĂ©tique et parfois mĂȘme des sonoritĂ©s tribales. Étrangement, le cinĂ©ma d'horreur et de science-fiction des annĂ©es 80 est Ă©galement souvent traversĂ© d'une bonne humeur assez saugrenue. VoilĂ  le type d'atmosphĂšre que nous avons essayĂ© de recrĂ©er. "


NAZE

La production et les arrangements de Tomorrow's Harvest sont rĂ©ellement impressionnants. Tous vos disques possĂšdent ce cĂŽtĂ© rĂ©tro et chaleureux mais en comparaison ce quatriĂšme effort sonne beaucoup plus hi-fi. Avez-vous changĂ© quelque chose dans votre maniĂšre d'enregistrer et cela faisait-il partie du processus d'Ă©criture ?
"ME : Vu que nous concevions ce disque comme une bande originale du passĂ©, nous savions que la production allait ĂȘtre un exercice trĂšs dĂ©licat et que tout devait ĂȘtre parfaitement arrangĂ©, bien plus que sur nos LP prĂ©cĂ©dents oĂč nous sommes allĂ©s jusqu'Ă  dĂ©gueulasser dĂ©libĂ©rĂ©ment certains Ă©lĂ©ments pour obtenir un son lo-fi. Nous avons bien sĂ»r utilisĂ© beaucoup de matĂ©riel vintage pour cet album mais si tu rĂ©Ă©coutes attentivement les musiques dont nous nous sommes inspirĂ©s, en dehors du fait qu'elles sont souvent composĂ©es avec des synthĂ©s analogiques et d'autres instruments Ă©lectroniques rudimentaires de l'Ă©poque, tu t'aperçois que les arrangements sont trĂšs prĂ©cis et que la production est toujours de trĂšs haut niveau. "
À la lueur de Tomorrow's Harvest, considĂ©rez-vous The Campfire Headphase, avec ses samples de guitares et son atmosphĂšre joyeuse, quasi euphorique, comme une digression dans votre discographie ?
"MS : C'est peut-ĂȘtre une digression dans le contexte de Boards Of Canada mais pas pour nous en tant qu'individus. Nous jouons de la guitare depuis que nous sommes gamins - Marcus particuliĂšrement est un excellent guitariste - mais nous ne souhaitons pas vraiment mettre cela en avant sur nos albums, simplement parce que nous pensons que ça ne s'accorderait pas avec le reste. Ce que nous avons fait sur The Campfire Headphase, c'est injecter des boucles de guitare naĂŻves dans le sampler pour ensuite, autour de cela, composer nos chansons comme nous avons l'habitude de le faire. "
Le matĂ©riau de Tomorrow's Harvest est-il entiĂšrement nouveau ou avez-vous (rĂ©)utilisĂ© d’anciens Ă©lĂ©ments ?
"ME : Nous Ă©crivons et enregistrons de la musique en permanence et cet album est constituĂ© uniquement de nouveaux morceaux. Nous n’avons pas de mĂ©thode stricte de travail, mais gĂ©nĂ©ralement, nous crĂ©ons d’abord plusieurs Ă©bauches indĂ©pendantes les unes des autres, puis nous choisissons celles qui nous plaisent le plus et les dĂ©veloppons chacune en parallĂšle."
Certains de vos fans pensent qu’il y a un lien entre Tomorrow's Harvest et Deadly Harvest (1977), un obscur film d’anticipation canadien. Est-ce le cas ?
"ME : HonnĂȘtement, non. Nous ne nous sommes pas inspirĂ©s de ce ïŹlm mais je reconnais qu’il y a des ressemblances indĂ©niables entre les deux Ɠuvres. Les rĂ©fĂ©rences aux "graines" sur l’album ne sont pas Ă  prendre au pied de la lettre."
Comment faut-il l’entendre alors ?
"ME : Il y a des indices dans les titres des morceaux mais si nous expliquons tout ça n’a plus aucun intĂ©rĂȘt !"
Faites-vous attention a la maniĂšre dont le public perçoit votre musique ? Vous dites que vous jouez beaucoup de guitare mais que cette musique n’a pas sa place dans le contexte de Boards Of Canada. Pourquoi ne pas crĂ©er un autre groupe ou sortir des disques solo ?
"ME : Nous ne faisons pas attention Ă  la façon dont le public nous perçoit, nous faisons simplement les disques que nous aimons. D’un autre cĂŽtĂ©, nous sommes Ă©videmment conscients que nos centres d’intĂ©rĂȘts musicaux vont au-delĂ  du terrain de jeu habituel de Boards Of Canada. Et oui, nous Ă©crivons et enregistrons beaucoup de musique qui n’a pas sa place sur un album de BoC et peut-ĂȘtre explorerons-nous cela dans le futur."
Comment cette musique sonne-t-elle ?
"MS : C’est beaucoup moins synthĂ©tique. je ne peux pas vous donner une idĂ©e prĂ©cise du style parce que ça part un peu dans tous les sens. Certains morceaux sont trĂšs expĂ©rimentaux. Nous enregistrons avec des amis et utilisons tout ce qui nous tombe sous la main en studio - guitares, batteries, des instruments Ă  cordes et d’autres tout aussi classiques. Dans un sens, ça ressemble beaucoup plus au travail d’un groupe traditionnel."
Et cette version acoustique de Music Has The Right To Children, oĂč en est-elle ?
"ME : Eh bien, elle existe. C’est assez naze mais c’est ce qui fait son charme. je ne suis pas sĂ»r que nous la sortirons un jour."


LA GALAXIE S’ANIME


Tenant son rang depuis quinze ans face aux autres artistes du label Warp, Boards Of Canada est apprĂ©ciĂ© et chĂ©ri par les amateurs de rock, pop, metal ou hip hop. Si la musique de Mike Sandison et Marcus Eoin envoĂ»te, c'est souvent leur approche radicale de la production qui fascine leurs homologues musiciens. Certains d'entres eux ont tenu Ă  leur poser une question ou deux. Un exercice contre nature pour le duo autarcique qui a tout de mĂȘme jouĂ© le jeu sans mal.


COORDINATION JEAN-FRANÇOIS LE PUIL TRADUCTION SYLVAIN COLLIN


YONI WOLF

(WHY?)

D'aprĂšs ce que j'ai compris, vous venez de finir le nouvel album de Boards Of Canada et le monde enfler s'en rĂ©jouit ! Je n'ai pas encore eu la chance de l'entendre mais je me demande si vous avez apprĂ©hendĂ© celui-lĂ  diffĂ©remment. Comment faites-vous pour conserver une certaine fraĂźcheur dans le processus de crĂ©ation depuis deux dĂ©cennies ?
"Mike Sandison : Élaborer des nouveaux morceaux nous procure toujours autant de plaisir et chacun essaie en permanence de surpasser l'autre avec ses Ă©bauches respectives. Nous nous y reprenons Ă  plusieurs fois car nous sommes trĂšs critiques l'un envers et l'autres (vraiment, c'est souvent assez brutal mĂȘme). Et quand nous trouvons une idĂ©e brute qui nous plaĂźt Ă  tous les deux, c'est celle-ci que nous dĂ©veloppons. Je crois que nous avons rĂ©ussi Ă  rester concentrer sur Tomorrow's Harvest car nous avions dĂšs le dĂ©part une idĂ©e trĂšs structurĂ©e du rĂ©sultat auquel nous voulions parvenir, y compris la tonalitĂ© gĂ©nĂ©rale de l'album. C'Ă©tait comme remplir un espace vierge dont nous visualisions clairement les contours. "

GHOST BOX RECORDS

(BELBURY POLY, THE FOCUS GROUP, ETC.)

En tant qu'artistes, on nous interroge souvent sur la nostalgie et la mĂ©moire, et selon nous, la notion de "passĂ© dans le prĂ©sent" telle qu'on la trouve chez vous a Ă©tĂ© un modĂšle bien plus important que la rĂ©interprĂ©tation de la musique de notre enfance. À nos yeux, Boards Of Canada Ă©voque un monde oĂč le temps n'existe pas et oĂč les sonoritĂ©s contemporaines ne paraissent ni plus ni moins importantes que les rĂ©fĂ©rences du passĂ©. C'est sans doute ce qui fait que vos disques durent, ce qui leur donne cet aspect intemporel qui va au-delĂ  de la nostalgie. Est-ce quelque chose que vous reconnaissez vous-mĂȘmes dans votre travail et dans quelle mesure cela est-il intentionnel ?
"MS : Je crois que vous avez trĂšs bien rĂ©sumĂ© les choses. Notre but n'a jamais Ă©tĂ© de singer le passĂ©, je ne vois d'ailleurs pas l'intĂ©rĂȘt d'une telle dĂ©marche. Nous essayons plutĂŽt d'utiliser les Ă©lĂ©ments stylistiques du passĂ© comme des points de dĂ©part Ă  partir desquels nous imaginons une direction nouvelle. Que serait devenu ce style s'il avait Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© davantage ? C'est comme imaginer une rĂ©alitĂ© parallĂšle oĂč la musique aurait pris une route diffĂ©rente. Partant de lĂ , on doit effectivement entendre Ă  la fois des Ă©lĂ©ments anachroniques et contempo-rains qui se cĂŽtoient dans notre musique. "

BENOIT PIOULARD

Quel est le meilleur accord?
"MS : B9, parce qu'il n'est en rien malveillant. "

PARSLEY SOUND

(EX-SLUM)

Si vous pouviez rĂ©aliser une action pour modifier l'Ă©cologie de la planĂšte au bĂ©nĂ©fice de l'existence humaine, quelle serait-elle ?
"MS : RĂ©duire le nombre d'ĂȘtres humains. "

BIBIO

Pouvez-vous conseiller un lieu prĂ©cis en Écosse Ă  visiter avec un casque audio et quel serait le disque Ă  Ă©couter ?
"Marcus Eoin : Le Devil's Staircase dans la vallĂ©e de Glencoe avec la musique du film Highlander (1986) pour aider Ă  visualiser Christophe Lambert qui dĂ©capite des mecs. "

JACQUES GREENE

Votre musique Ă©lectronique est la plus humaine que j'ai jamais entendue, et pourtant, il y a un paquet de nombres Ă  l'intĂ©rieur et de calculs mathĂ©matiques qui s'y opĂšrent. Les sentiments et la mĂ©moire des Ă©motions se heurtent au matĂ©riel Ă©lectronique et aux sĂ©quences. Y a-t-il un lien spĂ©cifique entre l'homme et la machine, les nombres et les Ă©motions, que vous essayez d'explorer ?
"MS : Nous ne nous inspirons pas uniquement de la musique mais aussi de la science. Il n'y a pas de grande sĂ©paration entre la structure et les mathĂ©matiques qui se cachent derriĂšre la musique et les Ă©motions qu'elle procure. La plupart du temps, nous jouons avec ces mĂ©canismes par le biais d'une Ă©criture mĂ©lodique Ă  l'ancienne. Parfois, en revanche, nous concevons de maniĂšre obsessionnelle certains motifs musicaux qui s'assimilent alors plus Ă  des expĂ©riences psychologiques miniatures. Une bonne partie de notre musique est peut-ĂȘtre aussi sujette Ă  un effet du type "la vallĂ©e dĂ©rangeante" (ndlr. rĂ©action psychologique de l'homme qui ressent un malaise face Ă  des robots androĂŻdes trop similaires Ă  lui, thĂ©orisĂ©e par le Japonais Masahiro Mori), lorsque nous mĂ©langeons de maniĂšre perturbante des sonoritĂ©s humaines et non-humaines. "

BENOIT PIOULARD

OĂč est le centre ?
"ME : Le plus Ă©loignĂ© possible des extrĂ©mitĂ©s ? "

NEIL KRUG

(RÉALISATEUR DES VIDÉOS DE “Tomorrow's Harvest")

Quel est votre album favori de Stevie Wonder ?
"ME : Argh, c'est comme choisir son James Bond prĂ©fĂ©rĂ©... C'est un crĂšve-coeur pour moi de ne pas citer Talking Book (1972) ou Songs In The Key Of Life (1976) mais je placerais tout de mĂȘme Innervisions (1973) en premier. Tout le travail de Stevie Wonder m'a toujours Ă©normĂ©ment influencĂ© mais ce disque en particulier est le sommet du raffinement dans sa production. C'est tellement organique et analogique, avec un son Ă©norme qui n'oublie pas de laisser un bel espace pour respirer. Innervisions recĂšle de changements de tons qui, utilisĂ©s par n'importe quel autre musicien, auraient sonnĂ© de façon balourde, mais lui parvient Ă  les rendre tout ce qu'il y a de plus naturel. "

BENOIT PIOULARD

Quelle serait selon vous l'onomatopĂ©e associĂ©e Ă  l'Ă©closion d'une pivoine filmĂ©e en accĂ©lĂ©rĂ© ?
"MS : Je crois qu'on a samplĂ© ce son sur Magic Window (ndlr. morceau final et silencieux de Geogaddi). "

ANDREW HUNG

(FUCK BUTTONS)


Quelles sont les diffĂ©rences entre vos sĂ©ances de travail individuelle et collective ? La maniĂšre dont vous travaillez l'un avec l'autre a-t-elle une influence sur la tonalitĂ© de votre musique et cet aspect-lĂ  de votre relation a-t-il Ă©voluĂ© au fil des annĂ©es ?
"ME : Travailler ensemble nous pousse Ă  trancher dans le vif et Ă  finir le boulot. Nous devenons particuliĂšrement impitoyables sur ce que l'on fait lorsque nous nous y mettons tous les deux. Du coup, je crois que les morceaux rĂ©alisĂ©s Ă  deux sont aussi les plus simples et les plus Ă©purĂ©s alors que ceux sur lesquels on a travaillĂ© chacun de notre cĂŽtĂ© ont tendance Ă  ĂȘtre plus complexes. C'est plus facile d'ajouter encore et encore des Ă©lĂ©ments Ă  un titre sur lequel tu travailles seul. Au bout du compte, une chanson finit toujours entre les mains de l'autre, qui l'Ă©coutera d'une oreille fraĂźche, la peaufinera ou bien la rejettera. Nous sommes d'une franchise radicale entre nous. "

BOOM BIP

Pensez-vous que la nature a un tempo ? Essayez-vous d'accorder votre musique sur ce tempo ?
"MS : Si c'est le cas, ce n'est pas conscient. Il y a quelques annĂ©es, nous avions eu cette idĂ©e : diviser la journĂ©e en deux, puis encore en deux, et ainsi de suite jusqu'Ă  parvenir Ă  un tempo et enfin des frĂ©quences qui soient en harmonie avec la durĂ©e d'une journĂ©e. Nous avions appelĂ© cela "les harmoniques du jour" (ndlr. day harmonics en VO). Je rĂ©alise aujourd'hui que c'est un concept qui se rapproche de l'harmonie des sphĂšres (ndlr. thĂ©orie philosophique basĂ©e sur l'idĂ©e que l'univers est rĂ©gi par des rapports numĂ©riques harmonieux). "

JUSTIN BROADRICK

(JESU, GODFLESH)

Vous intĂ©ressez-vous au metal et Ă  ses dĂ©rivĂ©s ? Faisant moi-mĂȘme partie d'un groupe metal, Boards Of Canada compte parmi mes influences. Et je connais beaucoup de personnes liĂ©es au metal qui sont aussi de trĂšs grands fans de votre musique. Étiez-vous au courant et apprĂ©ciez-vous ce style ? Je suis pratiquement sĂ»r d'avoir dĂ©jĂ  lu que vous Ă©coutiez des groupes comme Nine Inch Nails, mais je peux me tromper !
"ME : C'est une excellente question, Justin. Les gens nous replacent souvent dans le contexte de la dance music mais ils sont Ă  cĂŽtĂ© de la plaque. Mike et moi n'avons jamais Ă©tĂ© amateurs de dance music. Notre Ă©ducation musicale s'est faite pendant les annĂ©es 8Ă  en Ă©coutant des groupes post-punk et de la musique industrielle et cela a probablement Ă©tĂ© notre plus grosse influence. J'ai moi-mĂȘme jouĂ© dans une formation industrielle/trash metal lorsque j'Ă©tais ado. Alors oui, bien sĂ»r, nous sommes toujours de grands amateurs de ce genre aujourd'hui. J'ai Ă©coutĂ© beaucoup d'artistes issus de la scĂšne dark ambient rĂ©cemment, je ressens beaucoup d'affinitĂ©s avec ces gars-lĂ ."

BOOM BIP

Entendez-vous de la musique dans vos rĂȘves ? Si oui, est-elle originale ou s'agit-il d'une version dĂ©formĂ©e de la musique d'autres artistes ?
"MS : j'entends effectivement parfois de la musique dans mes rĂȘves et je rentre alors en studio pour tenter de la reproduire. Je me souviens avoir rĂȘvĂ© d'une merveilleuse nouvelle chanson de Cocteau Twins une fois. Ce n'Ă©tait pas une vraie chanson de Cocteau Twins Ă©videmment, mais j'ai adorĂ© ce que j'ai entendu en rĂȘve. j'ai Ă©tĂ© agacĂ© quand son souvenir s'est rapidement dissipĂ© au rĂ©veil. "

JON HOPKINS

Y a-t-il un instrument qui vous a constamment inspirĂ©s au fil du temps et quelle relation entretenez-vous avec lui ?
"MS : Bonne question. Probablement le sampler Akai. Je reviens sans cesse vers mes vieux Ă©chantillonneurs Akai. Nous les utilisons davantage comme des synthĂ©tiseurs que comme des samplers en enregistrant nos propres parties instrumentales dedans et en les manipulant ensuite. Ce n'est pas vraiment un instrument dans le sens oĂč il n'a pas de son propre, c'est plus un outil. J'aime beaucoup ces vieux machins, les souvenirs qu'ils drainent et les efforts de mĂ©moire qu'ils demandent. Et puis ils ressemblent Ă  des appareils qu'on utilisait dans les hĂŽpitaux soviĂ©tiques, ça encourage Ă  faire de la musique dĂ©primante. "

LA MUSIQUE DES REVES

MICHEL GONDRY

CinĂ©aste d’origine versaillaise pas forcĂ©ment prophĂšte en son pays, Michel Gondry, batteur en son temps du groupe Oui Oui, connait la musique. Auteur de clips pour Björk, Daft Punk ou The White Stripes, il a utilisĂ© trois titres de Boards Of Canada dans la bande originale de The We And The I (2012). Le cinĂ©aste explique pourquoi les disques de Mike Sandison et Marcus Eoin l’inspirent autant dans son travail.

Comment avez-vous connu la musique de Boards Of Canada?
"En fait, j'Ă©tais en train de conduire en voiture avec BjĂŽrk dans Los Angeles et nous Ă©coutions Discovery (2001), le deuxiĂšme album de Daft Punk qui venait de sortir, et elle m'a dit : "Si ça te plaĂźt tu devrais Ă©couter Boards Of Canada." Alors j'ai suivi son conseil. MĂȘme si personnellement je ne voyais pas bien en quoi ça ressemblait Ă  Daft Punk, le cĂŽtĂ© abstrait et imagĂ© de Boards Of Canada m'a plu tout de suite. C'est une musique assez ouverte et donc trĂšs utile pour moi quand je suis en train d'Ă©crire car les idĂ©es me viennent plus vite que si j'Ă©coute quelque chose de plus narratif. Elle m'aide Ă  atteindre l'ambiance adĂ©quate en pĂ©riode d'Ă©criture au mĂȘme titre que la musique contemporaine de Morton Feldman (ndlr. compositeur amĂ©ricain dĂ©cĂ©dĂ© en 1987) ou la musique classique de Glenn Gould (ndlr. pianiste canadien dĂ©cĂ©dĂ© en 1982). S'isoler du monde extĂ©rieur pour mieux atteindre l'Ă©tat recherchĂ©. "
Écoutiez-vous Boards Of Canada pendant l'Ă©criture de The We And The I, fiction particuliĂšre dans une filmographie dĂ©jĂ  assez singuliĂšre ?
"Je ne m'en rappelle plus. En tout cas, il était devenu évident pour moi d'utiliser leur musique dans l'un de mes films. De toute façon, je n'en suis pas au point d'utiliser systématiquement à l'écran la musique que j'écoute quand j'écris une scÚne. "
Mais la bande-son de The We And The I est plutĂŽt un best of d'un certain rap de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 80 (Young MC, Slick Rick, Run DMC...). Percevez-vous Boards Of Canada comme du hip hop Ă©cossais ?
"Le film s'ouvre sur des séquences avec en fond sonore ce genre de hip hop bon enfant et narratif, plein d'humour. C'est cool, fun et extraverti parce que c'est ainsi que les ados du film s'imaginent. Mais au fur et à mesure, derriÚre les apparences, se révÚle quelque chose de plus intérieur, plus profond, moins facilement définissable, et Boards Of Canada contribue, sans contredire ce qui précÚde, à faire passer cette idée, avec une musique qui me permettait une continuité organique pour rentrer dans l'intimité des personnages. "
Boards Of Canada reste un groupe peu accessible : a-t-il Ă©tĂ© simple d'obtenir les droits de ces trois titres en particulier ou bien aviez-vous demandĂ© un panel plus large quitte Ă  n'en retenir qu'une partie au montage ?
"J'ai demandé ces trois titres (ndlr. Over The Horizon Radar, Ready Lets Go et Satellite Anthem Icarus) et ce que nous avons proposé a dû convenir puisque je n'en ai plus entendu parler autrement que pour nous autoriser à les utiliser. S'il y avait eu un souci, l'équipe du film m'aurait suggéré de changer de musique. j'ai donc pu utiliser celle de Boards Of Canada comme je l'entendais. "
Qu'avez-vous pensĂ© du nouvel album Tomorrow's Harvest (ndlr. l'interview a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e quelques jours avant sa sortie) ?
"Je l'ai reçu tout rĂ©cemment et me suis donc mis Ă  l'Ă©couter aussitĂŽt. Il s'inscrit dans la continuitĂ© des prĂ©cĂ©dents et c'est rassurant. Boards Of Canada ne se rĂ©invente pas, mais chaque piste, au sens propre, explore diffĂ©rentes directions tout en faisant Ă©cho Ă  ce qui avait dĂ©jĂ  pu ĂȘtre fait prĂ©cĂ©demment, au point de rĂ©utiliser certains de leurs sons pour que chaque titre prolonge en quelque sorte un titre antĂ©rieur, comme un work in progress permanent, presque infini. J'aime cette idĂ©e d'auto-flash-back pour qui connaĂźt dĂ©jĂ  la musique de Boards Of Canada. "


POLICE

Vous Ă©voquiez Björk, dont le troisiĂšme album Homogenic (1997) Ă©tait produit par Mark Bell de LFO, pionnier d'un certain son Warp dont Boards Of Canada serait le dernier reprĂ©sentant. Quels artistes, liĂ©s Ă  Warp ou pas, rapprocheriez-vous de Boards Of Canada ?
"Je me sens mal placé pour répondre à cette question, d'abord parce que la musique vient souvent à moi plus volontiers que je ne cherche à découvrir des nouveautés, et d'autre part, je connais assez mal le catalogue du label Warp. Certaines tentatives folk ou psychédéliques des Chemical Brothers en leur temps avaient à voir avec Boards Of Canada. Sinon, je ne vois pas, désolé, mais il y en a sûrement. "
La bande originale de L'Écume Des Jours, votre dernier long-mĂ©trage, est signĂ©e Étienne Charry, chanteur du groupe Oui Oui dont vous Ă©tiez le batteur. Et vous avez sĂ©lectionnĂ© vous-mĂȘme les titres de le BO de The We And The I. AprĂšs avoir fait vos preuves comme cinĂ©aste dans les annĂ©es 2000, au-delĂ  de votre statut de rĂ©alisateur de clips, vous intĂ©resseriez-vous enfin Ă  nouveau Ă  la musique ?
"Mais je ne me suis jamais dĂ©sintĂ©ressĂ© de la musique ! J'ai tout simplement plus de contrĂŽle dans tout ce que je fais, y compris la musique, mĂȘme si j'ai dĂ©jĂ  eu la chance de collaborer avec les compositeurs Graeme Revell (ndlr. Human Nature, 2001), Jon Brion (ndlr. Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, 2004), Jean-Michel Bernard (ndlr. La Science Des RĂȘves en 2006 et Be Kind Rewind en 2008) ou James Newton Howard (ndlr. The Green Hornet, 2011). J'ai acquis une certaine libertĂ© en matiĂšre de production et le domaine musical en fait partie. Au point de pouvoir, si ça me semble justifiĂ©, rĂ©utiliser la musique de Boards Of Canada pour l'un de mes prochains films comme je pourrais le faire avec celle d'un compositeur. "
La charte visuelle de Boards Of Canada, franchement minimale, laisse libre cours à l'imaginaire de ses auditeurs. Comment un cinéaste, a fortiori réalisateur de clips, peut-il préserver cela?
"Je sais qu'il y a une contradiction dans mon travail de rĂ©alisateur de clips : je propose ma vision d'une chanson Ă  l'Ă©cran alors que celle-ci, si elle est rĂ©ussie, se suffit Ă  elle-mĂȘme et n'a pas besoin qu'on y associe des images. j'en viens parfois Ă  regretter certains de mes choix. J'avais par exemple tournĂ© un clip pour Massive Attack (ndlr. Protection, considĂ©rĂ© comme une rĂ©fĂ©rence du genre au milieu des annĂ©es 1990), et quelque temps plus tard, j'ai eu une idĂ©e qui aurait Ă©tĂ© plus adaptĂ©e. En guise d'excuse, je me dis que je n'illustre pas tous les titres d'un mĂȘme album, et que si ce n'est pas moi qui m'y colle, quelqu'un d'autre s'en chargera. D'une certaine façon, ça ressemble Ă  l'adaptation d'un livre au cinĂ©ma. Parce que j'ai dĂ©couvert la musique de Boards Of Canada en mĂȘme temps que ses pochettes, je la ressens dans diffĂ©rentes nuances de bleu ou orangĂ©es sans ĂȘtre totalement synesthĂšte pour ce qui est des couleurs. Un morceau de Boards Of Canada recycle la voix amĂ©ricaine du commandant Cousteau dans Le Monde Du Silence (1956), le film de Louis Malle et Jacques-Yves Cousteau, or j'ai grandi avec les films documentaires de Cousteau: c'est trĂšs fort pour moi. Mais si une musique me captive, je ne rĂ©flĂ©chis pas Ă  comment c'est fait, aux façons de brancher les guitares ou de modifier les potentiomĂštres, je suis plutĂŽt transportĂ© au point d'envisager des images. MĂȘme le nom de Boards Of Canada me renvoie Ă  ce cĂŽtĂ© visuel puisque je suis fan du cinĂ©aste d'animation canadien Norman McLaren (ndlr. figure marquante de l'Office national du film du Canada, ou National Film Board Of Canada en VO). En fait, le son du groupe me fait penser aux textures de la pellicule 16 millimĂštres... Mais c'est aussi liĂ© aux pochettes. Adolescent, j'Ă©coutais le deuxiĂšme album de Police, Reggatta De Blanc (1979), celui oĂč il y a la chanson Walking On The Moon dessus, et faute d'avoir accĂšs aux clips qui illustraient les extraits du disque, la pochette, avec les visages des trois membres du groupe en bleu et argent, a influencĂ© visuellement ce que j'Ă©coutais. Bon, c'Ă©tait du temps du vinyle, l'effet Ă©tait dĂ©cuplĂ© par l'objet. "
Y a-t-il un ou des artistes dont vous souhaiteriez rĂ©aliser un clip ?
"Il y aurait bien eu Michel Jackson qui n'avait probablement jamais dû entendre parler de moi. j'ai toujours préféré sa musique à celle de Prince, contrairement aux canons critiques des années 80. je me suis toujours méfié de ce qui était cool. Lors de mes longs séjours américains, je combats le mal du pays en écoutant une certaine variété française qui me rappelle mon enfance, France Gall ou Julien Clerc. Mais je réaliserais avec plaisir un clip de Boards Of Canada si jamais on me le demandait. "


NB. En attendant de découvrir Is The Man Who Is Ta!! Happy?, son documentaire animé sur (et avec) le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky, les films de Michel Gondry sont disponibles en DVD tout comme une sélection de ses vidéo-clips, The Work Of Director Michel Gondry (2003).


Translated text

Boards Of Canada


File compiled by Jean-François Le Puil

Article and Interview Sylvain Collin

Photographs Iain Campbell


HARVEST FROM HEAVEN

Nostalgia as a weapon of mass destruction: Boards Of Canada look into the past via an (imaginary) means in order to destroy the ideology of technological progress that we are sold on a daily basis. The brothers are back from their travels with Tomorrow's Harvest, true little masterpiece of electronic music. Developed over several years, this album urges the listener to fantasize a quite different conclusion to the end of the world: an ironic and dreamlike apocalypse. A fantastic and exhilarating dialogue between George Orwell and George A. Romero played with exemplary accuracy and thoroughness.


P28 HARVEST FROM HEAVEN Boards Of Canada in the light of The Day After Tomorrow.

P34 THE GALAXY COMES TO LIFE Co-musicians from all walks of life encourage the duo to open up.

P37 THE MUSIC OF DREAMS Cut! Thats’s a rap! with Michel Gondry


Marcus Eoin and Mike Sandison will try to deny it, but they are very concerned about how the public perceives their music. There is absolutely nothing contemptible in that, quite the contrary. If he could have, Stanley Kubrick himself would have painted the theaters where his films were playing if he felt that they weren’t dark enough. For Boards Of Canada, it's a bit the same. Well, okay, they won’t come and set the equalizer on your stereo for you or change the layout of your audiophile speakers, but they will take care of all the details; from recording to promotion. So it’s only with the release of the LP, The Campfire Headphase (2005), that the duo reveal that they are actually brothers. Why hide such a bland biographical fact? Mainly to avoid comparisons with Paul and Phil Hartnoll of Orbital, they argued at the time. Curious. No doubt they also wanted to avoid a series of questions about their childhood, family, etc. As such, it is particularly instructive to read the articles written at the time about the Beach Boys, The Jesus And Mary Chain and Oasis. However, it’s not so hard to imagine that the Sandisons get along a lot better than the brothers Wilson, Reid or Gallagher. As kids, they already played music together. When they were ten or twelve years old, they tinkered with multi-track VHS. Later, Marcus joined a metal band in secondary school. But that wasn’t Mike’s style, even then, the two brothers continued to fiddle with their synths together. The early 90s is the prologue to the story of Boards Of Canada. A musical framework slowly takes shape and compositions are born. The tracks they made during that period would be enough to fill a few albums, but Mike and Marcus just weren’t good enough, at least, that was their opinion. Having heard some of their old songs; cassettes they distributed to their friends up until the release of Boc Maxima (1996); the first version of Music Has the Right to Children (1998), it’s clear they had what it takes to make the heavyweights of the IDM era (Aphex Twin, The Orb, The Future Sound Of London, Orbital and Autechre) green with envy. Ever since their first release, Boards Of Canada took time out to trim down, polish, refine and tweak to achieve the style they had in mind. Mike once said he could easily spend time and money to recover the right audio material just for a few seconds of music. This is probably why, Tomorrow's Harvest took seven long years to reap.


ZOMBIE

In electronic music, the expiry dates can be short: the days can be worth a few weeks, the years a century. Boards Of Canada’s is the sort that doesn’t ever seem to go out of date. If it seems that time has no hold over their music, it could be that the two brothers are fond of vintage equipment. Certainly, their old equipment give a certain patina to their sound, but their choice of abode and studio location must play a part, too. Of course, in the Scottish countryside where the reclusive composers live time passes slower. Much slower. If living in such isolation allow them to develop a different world, it’s also a direct route to feelings of resentment and antisocial paranoia. How to find the right balance? "Aha, but we’re not really hermits", Mike makes clear, email being the preferred means of communication favored by the group at the time of promotion of Tomorrow's Harvest in the world.


"When we speak of isolation, it is from an artistic point of view, not a social one. We don’t feel the need to hang out in an urban context, to keep abreast of what is happening in music, what's popular, etc. That sort of thing: fashion, urban culture - is just background noise for us; radio interference, it becomes a big distraction when we try to create our own music, a good deal of modern music sounds like it was composed by artists who are constantly trying to look over each other’s shoulders. I prefer the pre-Internet era when musical styles were clearly defined. That way different groups and styles of music could evolve independently and develop fully, in a concentrated and exclusive way. The internet and an hyper-connected urban life destroys that kind of purity."


“Retro” you can say that again! So then, urban modernity creates negative vibes that affect creativity. On top of that, as he confessed recently by email to the Guardian, in reference to the book You Are Not A Gadget (2010) by the American author Jaron Lanier, Mike believes that “modern technology often gives an illusion of empowerment while in reality it's increasingly all about removal of liberty, and homogenising the user base." This morose yet relevant observation of society has been growing for some time. It recalls the post-apocalyptic films of the 70s - Soylent Green (1973), Logan's Run (1976), Silent Running (1972), Phase IV (1974), etc. - paranoid low budget series of the early '80s (Italian zombie films notably). A fairly uninsightful and downright fanciful forecast, these films are much more interesting in that they reveal our social and ecological anxieties; our collective phobias. Despite the appearance of a clichĂ©d Instagram, the cover of Tomorrow's Harvest just
 fits: the San Francisco skyline breaks the line of a desolate horizon and disappears as if engulfed by an incandescent glow. We look upon a city as if in agony, then as a mirage, the persistent memory of a forgotten utopian future ... When the needle hits the vinyl, the atmosphere is almost palpable. Mike lays it on thick in the Guardian interview again "We've become a lot more nihilistic over the years. In a way we're really celebrating an idea of collapse (the track Collapse is in the middle of the album) rather than resisting it. It's probably quite a bleak album, depending on your perspective. It's not post-apocalyptic so much as it is about an inevitable stage that lies in front of us." So much for setting the scene. Certainly, based on one’s personal film experience, or the rapport that each of us has with the music of Boards Of Canada, the album probably won’t evoke the same images. The precise dramatic outline drafted here by the Scottish duo, show that the random and abstract Super8 collages that once served as promotional videos are now an irrelevance. Even if we find a few smooth, familiar sounds, Tomorrow's Harvest is not really an album of progressive ambient electro or an acidic sound kaleidoscope. It was conceived as a soundtrack and must be taken as such. Unfortunately, today, no one is around to make the ideal film for it and this is probably also why nostalgia operates from the very first notes. The Sandison brothers also tip their hats to low budget series composers from the 70s and 80s : Mark Isham, Fabio Frizzi (the composer for Zombi 2 in 1979, a fake Italian Romero sequel), Stefano Mainetti (Zombie 3, 1988) Wendy Carlos (The Shining in 1980, Tron 1982) or John Harrison. The latter seems to find a special place in their repertoire. The sinking feeling of White Cyclosa (track 3 of Tomorrow's Harvest) strangely resembles the introduction that Harrison plays for The Dead Suite, from the soundtrack of Romero’s Day Of The Dead (1985), whilst not being as oppressive and nihilistic as a zombie film. The atmospheres are more subtly layered and the emotions that emerge more diverse, but no less intense. This is certainly one of the more sincere and moving tributes given to this genre of cinema from the electronic music genre. Now let’s allow Marcus and Mike show off their wares in their own way.

What is your strongest memory (musical or non-musical) of the past seven years? Have you been missing the recognition all this time?
"Mike Sandison : The births of my children have been the most intense memories of recent years. Being a dad makes you more aware of our planet’s long term problems. On a more personal level, this probably gives me greater self-confidence and esteem, which helps make up for any external approval. Anyway, I would say that I still couldn’t care less for artistic recognition. I’ve learned to go with my gut, my instinct, to compose music that I really want to hear"
The treasure hunt for the promotion of Tomorrow's Harvest, searching for hidden clues on a variety of media and over different continents was fun. Aren’t you afraid it will make your fans search for hidden meanings (wild ones often) in your music? Or is that part of the musical experience for you?
"Marcus Eoin: It may actually be part of the musical experience but you’ve got to avoid making it seem forced or artificial. The music has to be enough in itself. In this case, we thought that this method would go well with the general atmosphere of the album. It also gave us the opportunity to get away from the boundaries of the audio format and create a game that involves the listener."
We know that you enjoy paranoid or post-apocalyptic movies from the late 60s to the early 80s. Instrumental electronic records are often compared to film music, and even if it’s a lazy or easy comparison to make it really seems relevant in the case of Tomorrow's Harvest.
"MS:. Yes, of course, is exactly what we wanted do. We have always collected these sort of films and soundtracks, so this is something that has influenced our music from the very beginning. And it became more intentional on this album. We hope that anyone who likes this kind of cinema will be inspired enough by Tomorrow's Harvest to make their own visual interpretations."
The Campfire Headphase was built as a collection of pop songs while Geogaddi (2002) was much more abstract and ambient. The general structure of the new album is actually a lot more elaborate than that.
"MS:. Actually, we decided early on that we wanted to give it a soundtrack feel, but to make this type of album is a real challenge without it sounding too cheesy. So when we started working, we listened to a lot of soundtracks, including some from the 80s, by focusing on specific issues, studying the practices in terms of layout and timing. The ideas we learned gave us a framework, a structure to expand upon. We knew exactly how it should begin and how it would end."
Could you give us a soundtrack in particular?
"MS: No, there’s no theme or soundtrack in particular that inspired us. As I said, we mainly shaped the sound and visuals of Tomorrow's Harvest based on our memories of some of the films of that time, generally dark and pessimistic. There are a lot of budget films based on survivalism, horror, political conspiracy, uncontrolled science, etc. Electronic music is regularly used in these works ranging from dark loops, synthetic atmospheres and sometimes even tribal sounds. Strangely, the horror and sci-fi movies of the 80s are often filled with a sort of cheerful dark humour. That's the kind of atmosphere that we tried to recreate. "

LAME

The production and arrangements of Tomorrow's Harvest are really impressive. All your albums have this retro warmth, in comparison the latest release sounds much more hi-fi. Have you changed something in your recording methods and how it was this part of the writing process?
"ME: Because we designed this record as a soundtrack from the past, we knew that the production would be a very difficult exercise and everything had to be perfectly arranged, much more than on our previous LPs, where we went out of our way to fuck up elements to get that grainy sound. We certainly used a lot of vintage gear for this album but if you play back the music that inspired us carefully, apart from the fact that they are often made ​​with analog synthesizers and other rudimentary electronic instruments of the time, you realize that the arrangements are very accurate and that the production is still very high. "
In light of Tomorrow's Harvest, do you consider The Campfire Headphase, with samples of guitars and the jolly almost euphoric atmosphere, as a digression in your discography?
"MS: This may be a digression in the context of Boards Of Canada, but not for us as individuals. We’ve been playing guitar since we were kids - especially Marcus, he’s an excellent guitarist - but we didn’t really want to put this to the forefront in our albums, mainly because we think it would not be consistent with the rest. What we did on The Campfire Headphase is injecting naive guitar loops in the sampler and write our songs around it like we usually do. "
Is the material in Tomorrow's Harvest entirely new or have you (re)used any old stuff?
"ME: We write and record music all the time and this album consists solely of new songs. We do not have a strict way of working, but generally, we first create several drafts independent of each other, then we choose the ones we like the most and develop each in parallel."
Some of your fans think that there is a link between Tomorrow's Harvest and Deadly Harvest (1977), an obscure Canadian sci-fi film. Is this the case?
"ME: Honestly, no. We were not inspired by this film, but I recognize that there are undeniable similarities between the two works. References to the "seeds" on the album are not to be taken literally"
How should we take them then?
"ME: There are clues in the song titles, but then if we explain it all it would no longer be interesting!"
Do you pay attention to how the public perceives your music? You say you play a lot of guitar music but that this has no place in the context of Boards Of Canada. Why not start a traditional band or even release solo albums?
"ME: We don’t really pay attention to how the public perceives us, we only make music we love. On the other hand, we are obviously aware that our centres of musical interests go beyond the usual Boards Of Canada sandbox. And yes, we write and record a lot of music that has no place on a BoC album and perhaps we will explore this in the future."
What does this music sound like?
"ME: It’s much less synthetic. I can’t give you a good idea of the style because it’s a bit all over the place. Some pieces are very experimental. We record with friends and use whatever comes to hand in the studio - guitars, drums, stringed instruments and other classical means. In a sense, it looks much more like the work of a traditional band."
And the acoustic version of Music Has the Right to Children, where is it?
"ME: Well, it exists. It's pretty lame, but that's what gives it it’s charm. I'm not sure that we’ll ever release it."


Scans


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References