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Entre Nostalgie de L'enfance et Paranoia du Futur

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title Boards of Canada: Entre Nostalgie de L'enfance et Paranoia du Futur
author Ariel Kyrou
publication Coda
date 1998-06
issue No.45
pages 40-41



Text

Boards of Canada: Entre Nostalgie de L'enfance et Paranoia du Futur

Nouvelle découverte du genre electronica, Boards of Canada crée une musique paradoxale, à la fois belle et troublante, sombre et enfantine, sous le parrainage de Sean Booth d'Autechre... Rencontre avec deux musiciens écossais. Loin du tumulte londonien.

Au cœur du Marais parisien, à deux pas du Musée Picasso, on verrait bien Markus Eion et Michael Sandison comme des étudiants british en goguette culturelle. Ils ont l'air de hippies voyageurs et non de techno freaks, les deux Boards of Canada, avec leur sac à dos, leur aimable barbichette, leur sourire mouillé et leur bonnet de laine... On n'imagine pas tenir là les auteurs d'un album électronique de pur cristal qui songe, paru sous une double signature on ne peut plus branchée : Skam et Warp, respectivement label pointu de Manchester et mythique maison mère de l'electronica made in Sheffield.

Cet album, Music has the right to children, ressemble à sa pochette. L'image d'une famille ou d'un groupe d'amis, visiblement sur les pierres d'un château en ruine. Image naïve comme les univers du Manège enchanté et des Animaux du Monde. Banale. Heureuse. Mais cette image est noyée de lumière bleue verte, comme sous l'effet d'une soucoupe volante en phase d'atterrissage. Et puis il y a ces visages lisses comme une pierre ponce. Inquiétants. Des faces d'humains zombifiés.

Que cachent Michael Sandison et Markus Eion par cette image d'innocence troublée ? Les deux Ecossais semblent parler d'une même voix, le premier un peu plus bavard que le second avec son accent à se frapper le lobe de l'oreille. Ils n'ont pas l'air vieux, et pourtant, lorsqu'ils parlent de leurs premières armes musicales, c'est au début des années 80 qu'ils remontent...

Michael Sandison : "Je devais avoir environs 12 ans, et Markus à peu près 10 ans. Nous avions appris à jouer de quelques instruments classiques, mais ce qui nous amusait, tous les deux, c'était de manipuler des enregistrements volés à la télé, sur cassettes ou bandes magnétiques, de réaliser des collages musicaux..."
Markus Eion : "On s'amusait avec des sons qui nous plaisaient, d'où qu'ils viennent, sans se poser de questions, avec les moyens du bord. Autour de 1987, c'est devenu plus sérieux. On s'est mis à travailler avec des musiciens et de vrais instruments. On a complexifié notre musique...
Vous vous sentez proches de la génération du home studio?
Michael : Oui et non. Ou alors totalement par hasard. Nous avons bâti notre home studio du pauvre avant l'explosion house. Alors que l'acid house déferlait en Angleterre, nous étions dans un autre trip, plus proches d'un groupe comme My Bloody Valentine. Nous explorions une veine de rock atmosphérique et expérimental, avec des vocaux et beaucoup de guitares. Ce n'est qu'après cette explosion, en décalage complet, que nous sommes revenus à notre esprit des origines en privilégiant l'électronique...
Est-ce à cause des nouveaux moyens de l'électronique, et notamment du sampling, que vous êtes revenus à une for -nulle synthétique ?
Markus : la technologie nous a permis de simplifier notre approche, de la rendre plus instinctive, comme à nos débuts...
Michael : le mode électronique est pour nous naturel. Déjà, lorsque nous sonnions plus rock, nous passions des mois au mixage, à peaufiner et retravailler sans cesse nos morceaux.On se samplait nous-mêmes. Avec le sampler, vous avez le contrôle absolu de votre musique. Sur Music Has The Right To Children, on ne reconnaît pas les titres sur lesquels on utilise du piano ou de la guitare, parce que nous samplons ces instruments pour les rendre plus sales, plus bizarres et les mêler à nos ambiances.


La musique de Boards of Canada marie deux mondes : la nostalgie de l'enfance et l'angoisse du présent, voire la paranoïa du futur. Au fur et à mesure de l'entretien, on découvre le mix de ces deux univers. D'un côté les émissions enfantines et les mélodies naïves, de l'autre la vision pessimiste de la science-fiction des années 70, la numérologie, les sciences du Chaos, les bad trips psychédéliques, les délires de l'intelligence artificielle... On comprend aisément la passion de Richard D. James ou de Sean Booth d'Autechre pour ce duo qui cultive son isolement, dans les Pentland Hills, où ils ont bâti leur studio à une quinzaine de kilomètres d'Edinbourgh.

"Chez Autechre, sous une surface minimale et industrielle, on perçoit des échos de nostalgie enfantine... Nous nous sentons très proches d'Autechre ou de groupes issus de la musique industrielle comme Test Department, qui faisait tout sauf de l'acid house en 1988 alors que c'était le rythme à la mode, comme nous faisons tout sauf de la jungle aujourd'hui en 1998... Nos atmosphères se marient mieux aux beats simples et obsessionnels de la techno."

Ariel Kyrou

interview complète au http://www.virgin.fr