title
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Two Aesthetes of Electronic Music
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author
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Ariel Kyrou & Jean-Yves Leloup
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publication
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Virgin Megaweb
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date
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1998/06
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pages
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Original Text
"Two Aesthetes of Electronic Music" was an interview (in French) by Ariel Kyrou & Jean-Yves Leloup originally published online Jun. 1998 on the Virgin Megaweb website.[1]
This is an original text copied verbatim from the original source. Do not edit this text to correct errors or misspellings. Aside from added wikilinks, this text is exactly as it originally appeared.
Deux esthètes de l'électronique entre nostalgie de l'enfance et paranoïa du futur
Au cœur du Marais parisien, à deux pas du Musée Picasso, on verrait bien Markus Eion et Michael Sandison comme des étudiants british en goguette culturelle. Ils ont l'air de hippies voyageurs et non de techno freaks, les deux Boards of Canada, avec leur sac à dos, leur sourire mouillé et leur bonnet de laine... On n'imagine pas tenir là les auteurs d'un album électronique de pur cristal, paru sous une double signature on ne peut plus branchée : Skam et Warp, respectivement label pointu de Manchester et mythique maison mère de l'electronica made in Sheffield. Cet album, "Music Has the Right to Children", ressemble à sa pochette. L'image d'une famille ou d'un groupe d'amis, visiblement sur les pierres d'un château en ruine. Image naïve comme les univers du "Manège enchanté" et des "Animaux du Monde". Banale. Heureuse. Mais cette image est noyée de lumière bleu vert, comme sous l'effet d'une soucoupe volante en phase d'atterrissage. Et puis il y a ces visages lisses comme une pierre ponce. Inquiétants. Des faces d'humains zombifiés. Que cachent Michael Sandison et Markus Eion par cette image d'innocence troublée ? Les deux Ecossais - dont nous avons confondu la voix dans l'interview - semblent ne faire qu'un, le premier un peu plus bavard que le second avec son accent à se frapper le lobe de l'oreille...
VIRGIN MEGAWEB: Votre biographie est écrite de telle façon qu'on ne voit pas bien qui vous êtes, ce que vous avez fait, vous êtes écossais, non ?
BOARDS OF CANADA: C'est juste, nous vivons en Ecosse, dans la campagne à quelques kilomètres d'Edimbourg...
Apparemment, vous n'avez jamais été liés à une scène ou à un style particulier de musique ? Vous semblez assez isolés ?
Oui, ce n'est que depuis deux ans que nous avons commencé à prendre des contacts avec d'autres musiciens, en particulier des artistes de Skam Records et de chez Warp. En fait, cela fait depuis très longtemps que le groupe vit, entre amis. Cela remonte au début des années 80, lorsque nous étions à l'école...
Vous avez commencé adolescent à faire de la musique en réalité ?
Yeah ! Nous avions tous deux une dizaine d'années, quelque chose comme ça. Nous avons appris à jouer des instruments plus jeunes encore, puis très tôt nous avons manipulé des enregistrements, des cassettes et bandes magnétiques, faisant des collages. Nous avons commencé à écrire et jouer de manière plus sérieuse aux environs de 1987, il y a dix ans, dans le format qui est le nôtre.
Vous deux seulement ?
Non, avec d'autres musiciens, dans le cadre d'un véritable groupe bien plus large. Mais, il y a quelques années, après avoir joué des guitares et de la batterie acoustique, nous sommes revenus à une forme plus franchement électronique...
En réalité, lorsque vous avez commencé à jouer, c'était plutôt comme un jeu d'adolescents, expérimentant avec des enregistrements de films et des instruments. Vous ne cherchiez pas à faire carrière...
On s'amusait avec des sons qui nous plaisaient, d'où qu'ils viennent. Notre parcours est un peu compliqué. D'abord, on a expérimenté sans se poser de questions, avec les moyens du bord, puis on a beaucoup travaillé avec des musiciens et de vrais instruments, on a complexifié notre musique. Il y a cinq ans, elle sonnait beaucoup plus gothique, plus proche du rock expérimental, avec des vocaux à l'occasion... Il y avait quand même pas mal d'électronique, déjà on samplait nos propres instruments. Puis nous sommes revenus à un esprit plus proche de nos débuts, simple et instinctif, à la seule différence que nous utilisons désormais toutes les merveilles du numérique, et qu'il est donc bien plus facile de s'amuser et d'obtenir ce qu'on souhaite...
Vous vous sentez proches de toute la génération du home studio ?
En un sens, peut-être. Notre démarche des débuts avec nos vieux appareils à enregistrer était comme une version pauvre de ce que d'autres ont fait par la suite avec le home studio. Mais si on a été proche de l'esprit de génération, c'est par hasard et par moment, car nous avons toujours avancé un peu isolés dans notre coin, nous inspirant de rock comme d'électronique.
Vous n'avez aucun lien avec la génération de l'acid house ?
Non. En réalité, à cette époque, au début des années 90, nous enregistrions une musique avec des vocaux et des guitares, très influencée par des groupes de rock expérimental et atmosphérique comme My Bloody Valentine. Ce n'est qu'avant et après l'explosion de l'acid house, en décalage complet, que nous avons peut-être été proches du mouvement...
Finalement, pourquoi alors êtes-vous revenus à l'électronique ?
C'était plus naturel pour nous... Nous avons toujours beaucoup travaillé, peaufinant sans cesse nos morceaux, même lorsqu'ils sonnaient plus rock. Pendant un mois, deux mois, on revient sur nos morceaux, changeant un son ici, en ajoutant un autre... On se sample nous-mêmes sans cesse, revenir à un son presque exclusivement électronique, c'était simplement aller jusqu'au bout de notre logique.
Cette opportunité de sampler grâce aux nouveaux outils technologiques, que vous n'aviez pas à vos débuts, était-elle l'une des raisons de votre retour à l'électronique ?
Yeah... Cette technologie nous a permis de simplifier notre démarche. Avec le sampler, vous avez le contrôle absolu de votre musique. Vous pouvez prendre le son d'un instrument, et le faire sonner à votre guise à coups d'aller retour. Un exemple : sur notre dernnier album, il y a des titres pour lesquels nous avons utilisé un piano. Grâce au sampling, nous avons transformé le son de ce piano de plein de façons différentes, au point de le faire sonner comme un très très vieux piano, ou au point que personne ne se rende compte en écoutant l'album qu'il y a du piano. Même topo pour les guitares. Nous avons joué d'instruments électriques ou acoustiques pour "Music Has The Right To Children", mais nous avons complètement retravaillé leur son grâce à l'électronique.
Pourquoi ces mélodies enfantines sur votre album, d'où cela vient-il ?
On y retrouve l'écho des mélodies qui ont marqué notre enfance, et ces mélodies, pour la plupart, viennent de la télé, et notamment des films et émissions enfantines. C'est l'univers qui a marqué notre génération. Nous avons tous le même âge. Nous avons grandi en voyant les mêmes programmes TV, et c'est pour nous une influence bien plus forte que les musiques d'aujourd'hui ou que d'autres musiques que nous écoutions à l'époque. Ce sont ces airs qui restent dans nos têtes, qu'on le veuille ou non...
Vous êtes très nostalgiques de votre enfance ?
Yeah... Même chez des groupes comme Autechre, sous une surface très expérimentale, très minimale et industrielle, on perçoit des échos de cette nostalgie, des programmes télé qui ont marqué leur enfance. Et je crois qu'ils vont aller plus loin dans cette direction. C'est un processus naturel de création. On invente à partir des traces de sa mémoire autant qu'à partir de ses désirs et de ses humeurs du moment. On réinterprète sans cesse...
Vous utilisez des samples de programmes TV ?
On essaye de l'éviter. On le fait à l'occasion. Mais, de façon générale, nous créons nos propres mélodies et nos propres vocaux avec les gens d'ici. Même les mélodies qui sonnent comme des samples sont faites par nous, puis détruites par le sampling.
Parfois, en écoutant l'album, on a l'impression d'entendre des chants d'oiseaux, des bruits de la nature... Ce ne sont pas des samples ?
C'est une grande influence, c'est juste que la nature nous influence, tous comme les fenêtres ouvertes du studio (rires). Il y a ce titre, "Rue the World", sur l'album, où on entend des oiseaux chanter. En fait, j'écoutais ce morceau, et, bizarrement, je percevais des bruits d'oiseaux. C'est là que je me suis rendu compte que la fenêtre était ouverte, et comme ces chants se mariaient à merveille avec la musique, nous les avons enregistrés pour retrouver l'impression ressentie en écoutant le titre avec la fenêtre ouverte.
C'est peut-être aussi à cause du nom du groupe, qui fait naître plein d'images...
Le nom du groupe vient du soundtrack de l'un de ces films animaliers qui ont bercé notre enfance. On y retrouve ce côté nostalgique. Mais aussi un côté plus rauque, plus dur, plus sombre. Notre musique naît d'un mariage bizarre entre ces airs de l'enfance et des humeurs plus difficiles, comme une vision d'une réalité plus terrible qui se mêle paradoxalement à nos amours enfantines.
Pourquoi ? A cause des fantômes ?
(rires)
Non... Cela reflète l'étendue des sujets qui nous passionnent, par exemple les expériences psychédéliques, dont on retrouve des échos dans l'album, bad trip et good trip. Ou encore la numérologie, avec tous ses aspects noirs... C'est la face adulte de notre travail, pessimiste... On joue en quelque sorte d'une double radicalité, l'ombre et la lumière...
Vous vivez à la campagne ?
Oui, depuis assez peu de temps. On a construit notre studio dans les Pentland Hills. Et maintenant, on commence à vivre de la musique, sans faire autant de jobs qu'auparavant.
Quels types de jobs ?
Rien de honteux, des boulots universitaires par exemple, mais on préfère ne pas en parler...
Vous avez toujours eu ce nom de Boards of Canada ?
Non. Juste depuis quatre ans officiellement. Mais, de fait, ce nom existait depuis des années, comme le titre d'un morceau, avant de devenir le nom du groupe.
Au début de l'interview, vous parliez de vos amis et de votre famille autour de vous, s'agit-il d'une communauté d'artistes ? D'étudiants en histoire de l'art ?
Certains de nos amis sont des étudiants en histoire de l'art, ou des professeurs d'art moderne. certains sont des artistes, d'autres ne sont que des amis enthousiastes. On y trouve des photographes, des réalisateurs de films, artistes et musiciens... Et puis beaucoup d'amis que nous avons gardés depuis l'école. Lorsque nous étions à l'école, tous nos amis étaient dans des groupes de rock, nous étions les seuls à faire de l'électronique. A cette époque, nous avons commencé à faire des films, des vidéos en plus de la musique... On a produit des travaux de certains de nos amis, qu'il s'agisse d'expos ou de documentaires...
Vous réalisez des vidéos dans le même esprit que votre musique ? Ce n'est pas de la vidéo high tech ?
Oui, tout-à-fait. C'est un peu de la Do It Yourself vidéo, sauf que nous utilisons pas mal d'équipements high tech. On aime bien dégrader les images photo ou vidéo comme on dégrade le son, rendre les images plus dures, primaires, sales... On essaye de corrompre la technologie.
Cela vous arrive-t-il de créer d'un même élan musique et images ? De penser votre musique en images ?
Oui, bien sûr, mais de façon naturelle et intuitive plus que calculée. Les musiciens les plus décalés de la musique électronique comme Aphex Twin aiment que leur musique sonne cinématique, c'est-à-dire en images. C'est une démarche d'autant plus facile pour les musiciens que ne pensent pas systématiquement aux clubs lorsqu'ils créent un titre... Si l'on peut danser sur l'un de nos titres, c'est parfait, mais nous ne le cherchons pas. Nous nous laissons toute liberté, avec l'objectif de traduire des émotions plutôt que de faire danser. Il y a des tas de gens qui font ça tellement mieux que nous. Pourquoi nous y mettre nous aussi en le faisant moins bien ?
Il y a pourtant des morceaux qui iraient bien en club sur l'album...
C'est bien. Certes, nous travaillons les rythmes, mais pour nous il s'agit d'un véhicule pour de belles et étranges mélodies. Nous essayons de varier les effets, et c'est d'autant plus important pour la scène. D'autre part, nous aimons les rythmes appuyés, presque binaires, parce qu'ils collent bien à notre désir de créer des atmosphères sombres et obsessionnelles pour les marier à nos mélodies.
On retrouve cette dualité dans un titre comme "An Eagle In Your Mind"...
C'est exactement ça. D'un côté des mélodies et des voix presque naïves, de l'autre, un processus de corruption de ces voix et mélodies, par une ambiance ou des transformations, comme dans le titre que tu cites ou "Sixtyten"... On ne souhaite pas aller vers des rythmes comme ceux de la jungle, qui, par leur ambition et leur complexité, peuvent foutre en l'air ce type d'effet et l'émotion trouble et ambigüe que nous souhaitons créer. Le rythme doit rester simple. C'est une question d'équilibre.
En concert, est-ce que vous essayez de mêler son et image, comme s'ils se répondaient l'un l'autre ?
Non, pas encore. Certes, nous essayons de marier image et son. Nous essayons de créer des visuels qui collent à la musique, mais dans la limite des possibilités techniques... Nous avons été très influencés par un groupe qui s'appelle Test Departement, qui jouait beaucoup avec les images et les sons, et qui n'avait rien à faire de la dance ou de la pop comme beaucoup d'artistes de l'époque. Ils ont toujours suivi leur voie, sans se soucier de la mode. En 1998, le rythme de l'époque est la jungle, en 1988, c'était l'acid. Un groupe comme Test Departement, même s'il pouvait faire danser, se contrefoutait du rythme de l'époque. Ils étaient très fort, en particulier sur scène, parce qu'ils ne ressemblaient à personne. Ils faisaient de la musique industrielle, mais à l'occasion y mêlaient des influences celtes ou des rythmes à danser... Ils nous ont montré qu'on pouvait survivre et être respecté en menant sa propre voie, sans essayer de copier le style des autres. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui la mode est à la jungle qu'on ne peut pas survivre sur le territoire de la musique électronique sans faire de la jungle.
Vos concerts sont très bien préparés, ou y a-t-il une place pour l'improvisation, notamment par l'image ?
On ne peut vraiment pas improviser avec l'image. C'est un objectif mais c'est très dur. On va commencer à utiliser des ordinateurs pour avancer sur cette voie, utilisant des captures vidéo, afin de traiter les clips vidéo comme des sources de samples image. Aujourd'hui, sur scène, on ne peut jouer avec la vidéo comme on le fait avec les vinyls. Il y a un élément de hasard néanmoins. Nous ne voulons pas qu'un show soit parfait, car nous n'aimons pas la perfection. Nous souhaitons qu'il y ait du chaos dans un spectacle ou une musique, de la dureté, des surprises... Cela rend tout plus excitant...
Votre grand studio est dans une petite ville ?
Il est dans la campagne, avec quelques maisons, à une dizaine de miles d'Edimbourgh. Ce n'est pas un studio très grand, mais il est plein de matos...
C'est une sorte de communauté ?
Non, juste un groupe d'amis. Chacun avec sa famille...
Ce n'est pas un bunker comme on peut le lire dans la bio ?
C'est une exagération de la maison de disques.
Dans des villes comme Glasgow ou Edimbourg, il y a une scène artistique très active, en art, en vidéo et en musique électronique bien sûr, avec des artistes très jeunes, des festivals, etc, en êtes-vous proches ?
Il s'y passe des choses formidables, impossibles à suivre toutes. Jamais il n'y a eu autant de lieux et d'initiatives pour la musique expérimentale, et, plus largement, pour toutes les initiatives artistiques audacieuses. Il y a eu des shows de vidéo avec Internet par exemple, des vidéo mixes en live, des tas de trucs très bizarres impliquant le public... Il y a aussi une scène techno très riche, comme il n'en existait pas auparavant...
Vous connaissez Soma Records ?
Yeah... Pas personnellement, mais nous les connaissons...
Toutes les voix que vous utilisez sont celles d'amis ?
Oui, pour la plupart. Quelques-unes viennent d'enregistrements télé, mais c'est une minorité. C'est un mix. On utilise par exemple des cassettes vidéo que nous avions enregistrées il y a dix ans, qu'on écoute comme ça, et dont on utilise un mot. On se laisse aller aux redécouvertes du hasard.
Vous avez parlé du chaos tout à l'heure. Les théories du Chaos vous intéressent ? Les sciences un peu barjes ?
Yeah... Les fractales. Je ne sais pas d'où ça vient, mais les sciences étranges nous ont toujours passionné.
La vie artificielle, etc...
Et les nombres... Markus a étudié l'Intelligence Artificielle... Cela influence ce que nous faisons. Moi, ce sont plutôt les nombres et leur forme. J'ai toujours été passionné des rapports de la musique et des nombres. L'expérience psychédélique va dans ce sens, elle peut nous aider à voir les choses en termes de nombres et de formes, de structures, comme si la musique était faite de cristaux.
Cela vous influence ? C'est un aspect de votre univers ?
MS: On ne se dit pas, tiens, là ce sont les robots qui vont nous influencer. Non, ces sciences étranges font partie de notre univers, et on le retrouve dans nos titres. Pas la science-fiction, mais ces sciences qui concrétisent aujourd'hui des visions de la SF du passé. Nous avons grandi dans les seventies, à une époque de grande paranoïa par rapport aux sciences, paranoïa que l'on retrouvait dans la science-fiction de l'époque, dans les bouquins comme dans les films. C'est cette paranoïa, ce pessimisme, cette crainte de la science que l'on retrouve dans notre musique au même titre que d'autres influences. A l'époque où nous avons grandi dans les seventies, la vision du futur qui transparaissait à la télé ou dans des films était très noire, et très forte. Cela a changé, notamment avec les jeux vidéo.
Vous avez également parlé de psychédélisme ?
Oui, nous avons plongé dans l'art et la musique psychédélique à une époque. On réécoute souvent des groupes de la fin des sixties...
"Good Vibrations" ?
Oui, exactement ce genre de choses, les Beach Boys de l'époque "Good Vibrations", les Beatles de 1967. Pour nous, les Beatles sont vraiment devenus passionnants avec le psychédélisme. Ou encore des trucs inspirés de films ou sinon l'Incredible String Band...
Comment êtes-vous entrés en contact avec Skam Records ?
Nous avons fait un album, un EP. On l'a envoyé à quelques personnes, dont Sean Booth d'Autechre. Le lendemain du jour où il l'a reçu, Sean nous appelé, et nous a dit que nous devrions faire quelque chose avec Skam. On a parlé avec eux pendant deux mois. On leur on a donné un titre pour une compilation, et l'année dernière on a commencé à travailler sur un album pour Skam. Vers septembre, nous avons également sympathisé avec les gens de Warp. Ils nous ont dit qu'ils voulaient cet album aussi, mais sans le piquer à Skam, c'est pourquoi l'album sort avec le double label Skam et Warp.
Et Internet, vous utilisez Internet ?
Oui, trop. On y passe beaucoup de temps. On l'utilise depuis longtemps. Mais depuis quelques mois, on l'utilise également en studio, pour chercher des sons, des images. Il y a un important site artistique, une plate-forme, qui a créé une page sur nous, mais nous sommes en train de créer notre propre site, qui sera un acte en lui-même, une petite oeuvre de sons et d'images, d'expériences.
Propos recueillis par Ariel Kyrou et Jean-Yves Leloup
Photo : DR
Translated text
[2]
Two aesthetes of electronic music caught between nostalgia for childhood and paranoia of the future
At the heart of the Marais district of Paris, right next to the Picasso Museum, it would be easy to take Marcus Eoin and Michael Sandison for a couple of British Students on a culture spree. The two "Boards of Canada" look more like travelling hippies than techno freaks, with their backpacks, soppy grins, and woolly hats. It's hard to imagine that standing there are the creators of an electronic album of pure crystal, released jointly by two labels that could not be further apart: Skam and Warp; respectively, the cutting-edge Manchester label, and the legendary nerve-centre of "Made in Sheffield" electronica. This album, "Music has the right to children", is much as its cover suggests. The image of a family or a group of friends, standing on the stones of a ruined castle. A naïve image like the world of "The Magic Roundabout" or "Animals of the World". Perfectly ordinary. Cheerful. Except that the image is flooded with a turquoise light, as though caught in the glare of a flying saucer that is coming in to land. And then there are those faces, smooth as pumice stone. Disturbing. The faces of zombified people. What are Michael Sandison and Marcus Eoin hiding in this picture of troubled innocence? The two Scots, whose replies we have merged in this interview, seem to act as one; the first a little more talkative than the other, who has a very striking accent.
Your biography is written in such a way that it's not easy to tell who you are or what you have done. You're Scottish, aren't you?
"That's right, we live in Scotland, out in the country, a few miles from Edinburgh."
It seems that you've never been tied to any particular scene, or style of music. Are you quite isolated?
"Yes, in fact, it's only in the last couple of years that we've started getting in touch with other musicians, in particular, those of Skam Records and Warp. In fact, the group has been going for a long time, among friends. It goes back to the early 80's, while we were still at school."
So you really started making music as teenagers?
"Yeah! We were both about 10, something like that. We had started playing instruments even younger, and very soon we were playing around with recordings on cassettes and magnetic tapes, making audio collages. We began writing and playing music in a more serious way at some point around 1987, for about the last decade now in our own style."
Just the two of you?
"No, with other musicians within the framework of a much larger collective. But, a few years ago, after having played with guitars and acoustic drum kits, we returned to a more starkly electronic form."
So, really, when you began to play, it was more like a teenage game, experimenting with recordings of films and instruments. You weren't looking to make a career out of it?
"We played about with sounds we liked, wherever they came from. Our career has been a little tortuous. At first, we experimented without setting ourselves any questions, with whatever means were available to us, then we worked a lot with other musicians and with real instruments, which brought more complexity into our music. Five years ago, we sounded a lot more Gothic, much closer to experimental rock, with the occasional vocal. Though it was heading for electronic music; already we were sampling our own instruments. Then we went back to something closer to our original spirit: simple and instinctive, the only difference being that from then on, we could use all the wonders of digital technology, and so it was a lot easier to experiment and to get what we wanted."
Do you feel close to the generation that worked with home studios?
"Perhaps, in a way. Our original approach to recording with our old equiment was an inferior version of what others did later on with their home studios. But if we were close to the spirit of that generation, it was by luck, and only at times, since we always pushed ahead a little isolated, off in a corner, drawing inspiration from rock music as well as electronic music."
You have no connection to the Acid House generation?
"No. Really, at that time - the start of the 90's - we were recording music with vocals and guitars, greatly influenced by experimental atmospheric rock groups like "My Bloody Valentine". It was only before and after the acid house explosion, totally out of step with them, that we were perhaps close to the movement."
What made you finally go back to electronic music?
"It was more natural for us. We always worked hard, polishing off our tracks all the time, even those that had more of a "rock" feel to them. For a month or two we would come back to the tracks, changing a sound here, adding one there. We sampled ourselves all the time, heading for a sound that was almost entirely electronic, and it was easy to take that to its logical conclusion."
Being able to use sampling, courtesy of the new technologies that weren't available when you started up; was that one of the reasons for your return to an electronic sound?
"Yeah! The technology allowed us to simpify our way of working. With the sampler, you have total control over your music. You can take the sound of an instrument, and make it sound however you like, with the ability to go back again. For example, on our last album, there are some tracks where we have used a piano. Through sampling, we've transformed the sound of the piano in lots of different ways, to the point where it sounds like a very very old piano, or even to the point where no one listening to the album would think that there was a piano there. It's the same story with guitars. We played electronic and acoustic instruments on "Music has the right to children", but we completely reworked their sound electronically."
Why the melodies evocative of childhood on your album? Where did that come from?
"We're recalling the echo of the melodies that marked our own childhood, and these melodies mostly come from TV, especially from films and programmes for children. It's the world that characterised our generation. We're the same ages. We grew up watching the same TV programs, and for us they're a stronger influence than modern music, or any other music that we listened to back then. Like it or not, they're the tunes that keep going around in our heads."
Are you very nostalgic about your own childhoods?"
"Yeah. It's the same with groups like Autechre, where, beneath a surface that's very experimental, very mininal and industrial, you can pick out echoes of that nostalgia. I think they'd like to take that further; it's a natural creative process. We create things starting from these memories every bit as much as we do from our current wishes and moods. We reinterpret them constantly."
Do you use samples from TV programmes?
"We try to avoid it. We do it sometimes. But, on the whole, we make our own melodies and vocal samples using the people here. Even tunes that sound like samples are really made by us, but destroyed by the sampling process."
Sometimes, when listening to the album, there's an impression of hearing birdsong and other sounds of nature. Aren't those samples?
"It's a big influence - it's certainly true that nature influences us, especially when the studio windows are open! (laughs). There's this track on the album called "Rue The Whirl", where you can hear birds singing. What happened was that I was listening to the track, and, oddly, I could hear birds singing. Then I realized that the window was open in the studio, and since the birdsong went so well with the music, we recorded it to capture the feel of what we experienced listening with the window open."
Is it also perhaps because of the name of the group, which evokes lots of images?
"The name of the group comes from the soundtrack of one of the nature films that had such a big influence on our childhood. That's our nostalgic side. But there's also a more raucous side, harder, and darker. Our music is born from a strange union of the air of childhood and more troubled feelings, representing a more terrible reality which blends paradoxically with our childhood dreams."
Why? Because of ghosts?
"(laughs) No. It reflects the range of subjects that we feel strongly about, for example, psychedelic experiences (there are echoes of those in the album), good trips and bad trips. And also numerology, with its darker connotations. It's the grown-up face of our work, the pessimistic side. We move around in the space between two extremes, light and shadow."
Do you live in the country?
"Yes, we've not been there long. We set up our studio in the Pentland Hills. Now we can start to live for our music, instead of being distracted by having to do other jobs, as before."
What sort of jobs?
" Nothing to be ashamed off. Working in universities, for example, but we prefer not to talk about it."
Have you always had the name "Boards of Canada"?
"No; officially, only for four years. But the name existed for years before that, as the title of one of our tracks, before it became the name of the group."
At the start of the interview, you spoke about your friends and family around you, is it like a community of artists - students of the history of art?
"Some of our friends are students of the history of art, or they teach modern art. Some are artists, others are just enthousiastic friends. There are photographers, film-makers, artists, and musicians. And lots of friends we've kept in touch with from school. When we were at school, all our friends were in rock bands. We were the only ones making electronic music. Back then, we started making videos, films to go with our music. We made some for our friends, about expos and documentaries."
Do you make videos in the same way you make music. Is it high-tech?
"Absolutely. It's sort of "Do It Yourself Video", except that we use reasonably high-tech gear. We like to degrade photo and video images in the same way that we degrade sound, making the images harder, more primal, dirtier. We try to subvert the technology."
Do you ever think of making the music and images all in the one go? Do you think of your music in terms of images?
" Of course, but more in a natural intuitive way, rather than being deliberate about it. The most outstanding electronic musicians, like Aphex Twin, like their music to sound "cinematique", in other words, in terms of images. It's a way of working that is all the easier for musicians who don't specifically have the dancefloor in mind when they're making a track. If you can dance to one of our tracks, well and good, but it's not what we're aiming at. We give ourselves the greatest possible freedom to work in, with the goal of translating emotions rather than trying to make people dance. There are plenty of people who can do that better than we can. So what would be the point of setting ourselves up to make a worse job of it?"
There are some tracks on the album which would be ideal for the dancefloor.
"That's true. Yes, we do work with rhythms, but for us it's just as a vehicle for carrying strange and beautiful melodies. We try to vary the effects; that's particularly important for live performance. Also, we like rhythms that are strong, almost binary, because that really goes with our aim of creating dark, obsessive backdrops to go with our melodies."
You can see that sort of duality in tracks like "an eagle in your mind".
"Quite so. On the one hand, we have melodies and almost naïve vocals; on the other, a process of corruption of these melodies and vocals, by means of a certain ambience, or through transformations, as in the track you mentioned, or "sixtyten". We don't want to go in the direction of jungle beats, which, by their very ambitiousness and complexity, can really mess up the feel of the type of effect- the troubled emotions and ambiguity - that we are trying to achieve. The rhythm has to remain simple; it's a matter of balance."
In live performance, do you try to mix sound and images, as though they were responding to each other?
"No, not really. Certainly, we try to make the images fit the sounds. We try to make images that go with the sounds, within the bounds of what's technically possible. We've been very much influenced by a group called "Test Department", who played around a great deal with sound and images, and who had nothing to do with dance or pop music like most of the other artists of that period. They always followed their own path, without worrying about what was trendy. In 1998, the rhythm of the time was jungle. In 1988, it was acid. A group like Test Department, while they could make people dance, went against the rhythms of their day. They were really good, especially on stage, because there was no one else quite like them. They made industrial music, but they sometimes threw in some Celtic influences, or dance beats. They showed us that it was possible to survive, and to gain respect, while following your own path, without trying to imitate the style of others. It isn't so nowadays when the fashion is jungle, and you can't get by in the world of electronic music without making jungle music."
Are your concerts very well rehearsed, or is there still a place for improvisation, particularly, with images?
"It isn't really possible to improvise with images. It's something to strive for, but it would be really difficult. We'll start along this route with the help of computers, using captured video, in order to treat video clips as sources for sampled images. Today, on stage, you can't play around with video in the same way you would with vinyl records. All the same, there's still an element of chance involved. We wouldn't want a show to be perfect, because we don't like perfection. We want there to be an element of chaos in a show, or in our music; a raw edge; surprises. That makes it all more exciting."
Is your big studio in a small town?
"It's in the country, with other houses, several miles from Edinburgh. It's not really a big studio, but it is full of gear."
A sort of commune?
"No, just a bunch of pals, each with their family."
So it isn't a bunker as the biography claimed?
"That's just an exaggeration on the part of the record label."
In places like Glasgow or Edinburgh, is there an active artistic scene, in the arts, video, electronic music, of course, with young artists; festivals, etc. Are you involved in this?
"There are lots of great things going on, it's impossible to keep up with it all. There have never been so many places and initiatives for electronic music, and, on the larger scale, for all sorts of bold artistic enterprises. There have been video shows using the Internet, for example; live mixing of videos; and all sorts of bizarre goings-on that the general public can get involved in. There's also a very rich techno scene, which there wasn't before.
Do you know Soma Records?
"Yeah. Not personally, but we know of them."
So, all the voices you use are those of friends?
"Yes, mostly. Sometimes they come from old video tapes, but that's the exception. It's a bit of a mix: for example, we might use a video we taped ten years ago, that we listen to like that, and we take one word from it. We let ourselves rediscover things by chance."
You mentioned Chaos a moment ago. Are you interested in Chaos Theory - sciences that are a little offbeat?
"Yeah. Fractals. I don't know why, but strange sciences have always fascinated us."
Artificial life, etc.
"And numbers. Marcus studied Artificial Intelligence. That has influenced what we've done. With me, it's more numbers and their form. I've always been fascinated by the connection between music and numbers. Psychedelic experiences lead in this direction; they help us to see things in terms of numbers and their forms, of structures, as if the music was made out of crystals.
Does that influence you? Is it a part of your world?
"I can't really say that, hey, there it's robots who will influence us. No, strange sciences are part of our world, and you can find that in our works. Not science-fiction, but the sciences which have made the sci-fi visions of the past into a reality today. We grew up in the 70's, a time of great paranoia about science, a paranoia which comes across in the science fiction of that era, in books as well as in films. It's this paranoia, this pessimism, this fear of science, which can be found in our music along with other influences. When we were growing up in the 70's, the view of the future shown in TV and films was very dark, very powerful. That has changed, especially now with video games."
You also mentioned psychedelism.
"Yes, we immersed ourselves in the art and psychedelic music of the time. We often listen again to groups from the late 60's."
"Good Vibrations"?
"Yes, that's exactly the sort of thing we mean: the Beach Boys of the "Good Vibrations" era, the Beatles of 1967. The Beatles really became enthralling to us through their psychedelism. Also, some inspired moments in films, not to mention the Incredible String Band."
How do you get in touch with Skam Records?
"We had made an album, an EP. We sent it around various people, one of whom was Sean Booth of Autechre. The very next day after he got it, Sean gave us a call, and said that we ought to do something with Skam. We had dealings with them for a couple of months. We gave them a track for a compilation album, and last year we started work on an album for Skam. Around September, we were also having friendly dealings with some folk at Warp. They told us that they would also like this album, but they didn't want to tread on Skam's toes, so that's why the album came out under two labels, Skam and Warp."
What about the Internet, do you use that?
"Yes, a lot; we spend quite some time on it. We've been using it for a while now. For the last few months, we've also been making use of it in the studio, to look for sounds and images. There's an important artistic site, a platform, which has got a page on us, but at the moment we're working on making our own site, which will be a little work in itself, a mini-opus of sounds, pictures, and experiences."
interview by Ariel Kyrou & Jean-Yves Leloup, June 1998.
Screenshots
References
- ↑ https://web.archive.org/web/19990221024531/http://www.virgin.fr/virgin/html/megactu/interview/boards.html
- ↑ English translation source unknown