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La Part du Feu


title La Part du Feu
author Frank Bedos
publication Trax
date 2005/10
issue 88
pages 32-37
La Part du Feu was an interview (in French) by Frank Bedos originally published October 03 2005[1] in Trax magazine Number 88 pp.32-37.


Original Text

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Trois ans qu'on attendait que l'aigle Boards Of Canada se pose à nouveau sur nos platines. À l'occasion de la sortie de The Campfire Headphase, événement brûlant de cette rentrée électronique, le duo le plus psychédélique de l'électronica accepte enfin de parler à visage découvert. Conversation autour du feu.


La lune est rouge et basse en cette nuit glaciale sur une plage quelque part au sud de l'Écosse, aux abords des Pentland Hills. Pourtant, comme dans un étrange rite païen, un cercle d'une vingtaine de personnes s'est formé autour d'un large feu crépitant qui semble glorifier la communion des éléments, les forces de la nature avec les puissances de l'esprit. Rassemblement post-hippie? Culte d'initiation magique? Cérémonie clandestine du Temple Solaire? Rien de tout cela, car point de sorcier, gourou ou autre médium surnaturel pour atteindre les étoiles ici. A la place et pour tout intermédiaire, un ghettoblaster. Nous sommes en hiver 2002, Boards Of Canada, quatre ans après le sacre international de Music Has The Right To Children, leur premier album, convoquent leurs amis d'enfance et célèbrent leur façon la fin de l'enregistrement de Geogaddi, qui leur apportera une reconnaissance critique universelle.
Je vois tu veux en venir,
rigole Michael l'un des membres du duo.
Mais non, cette fois-ci nous n'avons pas procédé de la sorte, malgré le fait que l'album s'appelle The Campfire Headphase. Le temps était moyen tu sais ce soir-là, c'est pour ça qu'une fois la dernière touche apportée à celui-ci, on a préféré prendre la voiture Marcus et moi pour le tester, allumer l'autoradio et rouler sans destination autour de notre studio dans la campagne déserte en pleine nuit noire, a quatre heures du matin.


Un cas à part

Retour en arrière. Quand Warp a annoncé la sortie programmée du troisième album de Boards Of Canada, à la fin du mois de juin, immédiatement des tas de forums se sont fait l'écho d'une attente insupportable pour beaucoup. On n'a jamais autant glosé sur de simples titres de tracks, jamais frôlé d'aussi près la pâmoison vide et prospective, et jamais ensuite tant angoissé l'idée que ce que l'on venait de télécharger n'était pas le sacro-saint nouvel album du duo écossais, mais un ensemble de few old tunes que quelques malins avaient sournoisement maquillés. C'est que Boards Of Canada est devenu en quelques années un cas part dans le milieu de l'électronique underground, une situation qui pourrait cependant s'élargir et, par une magie concentrique, quitter la lisière confinée des cercles d'adeptes pour gagner une sphère à l'échelle du globe et se transfigurer ainsi en phénomène mainstream.

Reclus dans leurs terres froides, n’accordant que de rares interviews et seulement par e-mails, ne se produisant pour ainsi dire jamais en live, cites par Thom Yorke lui-même comme les inspirateurs directs du chef-d’œuvre Kid A, acclamés dès leur première réalisation grand format et portés par une rumeur grandissante installant Music Has The Right To Children parmi les 25 meilleurs disques psychédéliques de tous les temps au milieu des Beatles et des Pink Floyd, la légende Boards Of Canada est en marche. Aussi, quand Warp nous a confirmé après de multiples ajournements que Michael Sandison et Marcus Eoin acceptaient finalement de nous rencontrer près de chez eux Edimbourg, nous nous retrouvions ni une ni deux et malgré une date de bouclage imminente dans l'avion qui allait enfin nous rapprocher de la plus grande énigme, l'astre le plus noir de la galaxie électronique.


Totem et tabou

Nous voilà donc en ce mois de septembre dans la cité médiévale d'Edimbourg, surgie de l'époque des chevaliers avec son château fort défiant la brume haut sur la falaise, sa cathédrale gothique, ses ruelles pavées et les collines roussies par le vent la ceinturant. Hors considérations romantiques, c'est dix degrés, pluie glaçante et un misérable jacquard pour toute défense : la foutue douche écossaise. On s'empresse alors de trouver dans cette contrée inamicale le Royal Museum où nous avons rendez-vous avec le groupe afin justement de faire craquer la glace dans laquelle beaucoup se sont sentis prisonniers à l'écoute de leur nouvel album (cf. p 65), et libérer le feu qui couve et semble fragilement irradier ses compositions. C'est d'ailleurs très chaleureusement que Marcus et Michael nous accueillent dans l'enceinte du musée, une lumineuse verrière blanche où trône un immense et sévère totem, garant d'une spiritualité ancestrale. On s'installe au pied de la tutelle sacrée et nos deux artistes ont tôt fait de plaisanter sur notre piteuse apparence, chassant immédiatement la crainte de nous retrouver en face de deux grizzlys condescendant à nous servir leur plus polie langue de bois. Au contraire, ils sont d'emblée très soucieux de la réception de The Campfire Headphase et nous pressent de passer aux aveux. On leur explique l'accueil divisé de la rédaction, le chaud-froid qu'il a provoqué, réaction à vif.
C'est drôle parce que même quand on essaie de faire un album chaleureux comme c'est le cas pour celui-ci, il est en même temps invariablement perçu comme quelque chose de froid et d'un peu sinistre. Je pense que c'est juste une réaction face aux éléments psychédéliques de notre musique, qui amplifient certains effets rendant l'ensemble volontairement étrange et lointain. Mais c'est la caractéristique même du projet Boards Of Canada: capturer l'atmosphère des sons d'une période très spécifique, allant de la fin des 70's au début des 80's. Pour nous, c'est comme une tangente de laquelle on ne s'éloigne que dans la forme, en allant alternativement vers plus d'électronique, d'acoustique, de cinématographique ou d'orchestral mais toujours en restant dans les parages de cet univers de programmes éducatifs publics, de vidéos en Super-8, de jingles en forme d'avertissements ou de publicités naïves. Tout ce qu'on a pu composer et qui s'éloignait de cette vibe première n'a jamais été retenu et n'est jamais sorti.
En gros et pour faire vite, l'esthétique BOC (pour les intimes). C’est l'équivalent en France de notre Message à caractère informatif et c'est vraiment très intéressant.


La bohème

D'abord, il y a ce nom, Boards Of Canada, qui ne sont pas les troncs flottants sur lesquels se prélassent les castors aux abords des Grands Lacs mais qui est inspire de la National Film Board Of Canada, société cinématographique qui diffusait toutes sortes de documentaires animaliers et de programmes sociaux, avec ce grain très particulier de la pellicule donnant une sorte de lavis a l'image et que l'on retrouve sur l'artwork de la plupart des réalisations du duo. Cela pourrait paraitre anecdotique et ne constituer que la matière d'un disque, mais la force de Boards Of Canada est d'avoir relie cet univers visuel un peu flou et désuet une identité musicale qui, en reprenant ou samplant les éléments sonores faisant la matière auditive brute de ces vidéos et en les couplant des steel guitars, des synthétiseurs et des boites à rythmes d'époque, et des voix d'enfants en arrière-plan, se charge d’une forte puissance évocatrice et nostalgique. Écoutez n'importe quel disque de BOC et, pour peu que vous soyez trentenaire, vous voilà transporté dans ce monde si familier de pattes d'éph’, chemises col pelle tarte, lunettes fumées, sous-pulls qui grattent, le tout nimbé d'une atmosphère fin d'utopie un peu bohème.
On a vécu notre enfance au Canada, et c’est vraiment cette culture dans laquelle on baignait, on s 'en est gorgé comme tout enfant à cet âge qui est un formidable catalyseur du monde qui l'entoure. Les road-movies américains, les TV shows de Glenn Larson, les animations en tout genre... Il n'y avait que trois chaines à l'époque et tous ceux qui vivaient sur le continent américain à ce moment-là ont été nourris de ces programmes, c'était vraiment du mass media et le lendemain à l'école tout le monde parlait de ce qu’il avait vu la veille.


Chasse au trésor

Il n'en faudra pas plus pour pétrifier l'inconscient des jeunes Mike et Marcus qui, à leur retour dans leur Écosse natale, alors adolescents s'amusant comme beaucoup d'autres à cet âge à tripatouiller des cassettes audio, puiseront systématiquement leur inspiration au cœur de cette portion d'esprit gelée quelque part dans les glaces de l'Alberta. C'est au début des 80s qu'ils commencent à monter des films en Super-8 et réaliser leurs propres soundtracks tout en apprenant à jouer toutes sortes d'instruments live, batterie, guitare, synthétiseur. Un collectif de musiciens nait de cette boulimie musicale qui comptera jusqu'à quatorze membres, incluant des vocaux comme une formation classique mats avec déjà une nette préférence pour les atmosphères crépusculaires, les structures minimales les manipulations électroniques et les distorsions propres à installer un climat dérangeant et instable. À la fin des 80’s tout en poursuivant leurs montages vidéo, ils se dotent d'un studio d'enregistrement qu'ils baptisent Hexagon Sun, un "junkshop" selon leurs mots, plutôt que le bunker dans lequel la presse, avide d'excentricités, les a un peu vite rangés, une sorte de musée analogique où les samplers côtoient les guitares, les séquenceurs les flûtes, l'ordinateur la harpe éolienne.
On est très attachés aux vieux instruments, on cherche toujours à en dénicher. Si tu veux sonner 1988 par exemple, il faudra te procurer l'équipement analogique correspondant à cette période. On n'a jamais voulu d'un son clean, stéreo, phat, plutôt quelque chose qui aurait été enregistré comme vingt-cinq ans auparavant, mono, un peu à la James Taylor (chanteur californien des années 70, ndr). C’est pour ça qu'on utilise souvent des vieux enregistreurs de cassettes, des Tascam 4-pistes. Pour le nouvel album, on voulait que ce disque fût comme un enregistrement perdu et qu'on aurait retrouvé des années après alors que personne ne l'avait entendu.


La loi du silence

Parallèlement à la création de leur studio, ils lancent leur label, Music70, qui demeurera, même aujourd'hui, une plate-forme d'expérimentation visuelle et sonore. Tous les vieux morceaux inédits, souvent enregistrés sur de bonnes vieilles cassettes et que les fans s'arrachent, datent de cette période allant de 90 à 95, où la formation se sédimente vraiment, abandonnant la configuration de groupe pour se consacrer à des compositions strictement électroniques. Un temps trio, Boards Of Canada devient finalement le duo que nous connaissons et sortent leur premier vinyle autoproduit, il s'appelle Twoism et il va atterrir dans les bureaux de Skam à Manchester et dans les oreilles de Sean Booth d'Autechre, qui les appelle et les signe sur le champ. Suivra immédiatement après le maxi "Hi Score" qui, avec des titres comme "Turquoise Hexagon Sun" ou "Everything You Do Is A Balloon" et leurs boucles en spirale, leur mélancolie obsédante, leur rythmique hip hop en apposition, installeront lentement le son BOC dans la psyché électronique britannique.
Nous savons que nous n 'aurons jamais l’impact d'un groupe de rock, on ne joue pas dans cette catégorie, on préfère s'insinuer dans la tête des auditeurs. Quand tu fais un disque, tu veux souvent réagir contre ce que tu entends à ce moment-là. C’est ce qui s'est passé avec Music Has The Right To Children, apparu en pleine période jungle, où la techno devenait de plus en plus dure, les sons de plus en plus clairs et propres. On a alors surpris en silence, les gens ne s'attendaient pas à ce qu'on utilise les éléments de la drum 'n’ bass pour en faire quelque chose de si lent, presque vide.
C'est en 1998 que sort le premier album de BOC, il est signé conjointement sur Warp et Skam et ouvre enfin au groupe les portes d'une audience Internationale. Bombe à fragmentation dans sa forme, à retardement dans le fond, il provoquera un étrange effet papillon noir, un battement d'aigle en Écosse remuant alors une mélancolie ignorant les frontières.
On ne fait pas de bruit pour qu'on nous entende, notre musique est davantage une réaction au bruit constant qui nous entoure. On serait plutôt comme embrasure d'une porte qui lasserait passer de la lumière et inviterait les gens à franchir le pas. C'est juste un espace offert, un ticket pour ailleurs, échapper à la course du monde et s'évader. Ça me rappelle quand j'étais à l’école, il y avait un élève qui était très calme et ne parlait quasiment jamais. Mais quand il le faisait, et même au milieu du brouhaha, c'était d'une voix faible et très tranquille. Tout le monde alors l'écoutait."


La vie en retrait

Le temps va se charger de sculpter le mythe Boards Of Canada. Ces deux gars plutôt peace, qui n'ont jamais vraiment réalisé que leur musique pouvait un jour dépasser les rivages tumultueux de la Mer du Nord et accompagner autre chose que leurs fêtes nocturnes entre potes dans les forêts ou sur les plages, vont susciter une curiosité proportionnelle au soin qu'ils prendront à se dissimuler, se détacher des rouages écrasants de l'industrie musicale. Leur réputation ne cessera de grandir à mesure que le succès de Music Has The Right To Children s'étendra sereinement au-delà du seul territoire électronique et que les spéculations quant aux personnalités de Mike et Marcus et de leur vie pastorale iront bon train.
On nous a souvent pris pour des rescapés new age, des sortes de post-hippies composant une musique douce, éthérée et un peu maniérée. On ne se voit pas du tout comme ça, on ne fait pas de la musique pour la bande-son du Seigneur des Anneaux, on la sous-tend toujours d’éléments dark, lugubres, c'est le prix je pense pour faire une musique intelligente, qui touche vraiment les gens. Mais nous ne lions pas forcément notre travail au spirituel ou à la méditation, nous voyons davantage notre démarche comme quelque chose de scientifique, ce serait plutôt une approche scientifique de l'affect. Toutes les peurs liées à l'existence et que développent les religions, c'est juste un ressort pour nous. Notre vie retirée est une manière de garder une forme de pureté, mais c'est davantage un idéal, car on ne se voit pas vraiment comme ça, on ne vit pas dans une bulle, on va souvent en ville, on achète des disques on voyage beaucoup. Marcus fait du snowboard. On vit tous les deux dans une ferme à la campagne, au milieu de nulle part, mais on n'est pas des bouseux pour autant, ça nous permet juste de couper tout lien avec le monde extérieur, de construire un autre monde, imaginaire, où seul notre travail de musicien a de l’importance. Ce n'est pas comme si je me levais le matin et restais en extase à ma fenêtre devant l'arbre et le ruisseau, c'est juste la liberté que nous procurent ces conditions. Notre musique a besoin de ça pour s 'épanouir, mais ce n 'est pas lié à l’Écosse en particulier, on pourrait faire la même chose en Islande ou dans le Wyoming.
Juste un havre de paix, un coin à l'abri "ln A Beautiful Place Out ln The Country".


Une équation musicale

Avec un sens appuyé de l'ironie, BOC sort ce maxi en 2000. En pleine parano millénariste, les voilà qui font réciter au vocoder des paroles de David Koresh, de la secte des Davidiens, et que le track "Amo Bishop Roden" est tiré du nom d'un des membres de cette même secte dont 86 membres se suicidèrent suite à l'assaut donné par le FBI en 1993 à Waco au Texas. Ils ne s'arrêteront pas en si bon chemin avec la sortie en 2002 de Geogaddi, où pour la première fois ils s'éloigneront de leur univers visuel pour explorer les relations cryptiques entre la nature et la science, l'inconscient et les mathématiques, la création et la géométrie, qu'ils emballent dans une vague iconographie religieuse. Le tracklisting s'obscurcit de titres comme "Music Is Math", "Alpha & Omega", "Gyroscope", et s'étire en un soupir muet jusqu'à une durée fatidique : 66 min 6 sec.
Ce qu'on essaie de faire depuis Geogaddi, c'est délaver les sons. Sur Music Has The Right To Children, les éléments sonores étaient clairement identifiables, ils revenaient souvent et la matière des tracks s'identifiait avec ces composants récurrents. Il devient maintenant beaucoup plus difficile de reconnaitre les instruments qu’on utilise, car on les a tellement retouchés et travaillés, combinés avec d'autres sons ou instruments qui s'en rapprochent qu'ils sont très éloignés de leur sonorité originale. C'est plus flou et c'est ce que nous voulions retranscrire, cette impression trouble avec une construction très déstructurée, des pièces courtes et déstabilisantes qui figureraient comme une lente descente vers les pensées abstraites et le fond noir de l'âme. Écrire une chanson, c'est autant écrire les espaces entre les paroles. Nous, on écrit pour les moments creux de la vie, ceux qui facilitent le retour en soi, qui accueillent la tristesse. Ce n'est pas morbide, car ça permet souvent de s'en libérer et ça passe mieux l'épreuve du temps. Tu vois, j'écoutais les Polyphonic Spree dernièrement, ça m'a immédiatement séduit, mais après plusieurs écoutes cette surenchère de sentiments joyeux a fini par avoir raison de moi. Je ne me suis jamais lassé d'un album de Joy Division.


Logique ascensionnelle

Depuis leurs débuts, les Boards Of Canada ont tracé une perpendiculaire à notre monde réel sur laquelle ils se tiennent comme en apesanteur et qui est leur meilleur point de vue sur le monde, leur "Magic Window" qu'ils ferment sur eux-mêmes pour entamer une danse giratoire dont ils sont les seuls à connaitre les pas et qui les guide "toujours plus profondément à l'intérieur de (leur) son, tout contre l'ossature qui le soutient". Geogaddi, en explorant la face ténébreuse de la réminiscence, avait refroidi nombre de fans et de journalistes, c'est pourtant à ce jour leur chef-d'œuvre en tant que compositeurs, le disque où leur univers, en l'absence de lumière, s'est le plus anxieusement déployé dans les souterrains de la conscience. Si le titre "The Devil Is ln The Details" pouvait résumer la philosophie qui irriguait Geogaddi, alors "Constants Are Changinq" serait celui qui travaille en profondeur The Campfire Headphase, album plus engageant, moins torturé qui, en reprenant leurs ingrédients et les restituant sous une lumière tamisée, pourrait bien constituer pour ceux qui les découvrent une porte d'entrée idéale au monde des Boards. Pour les autres, après trois ans de longue attente, ils découvriront, pour peu qu'ils rentrent dans la temporalité immobile du disque, une autre facette du duo, plus directe, plus dépouillée, plus américaine.
On a déménagé nos studios l'an dernier, c'est pour ça que l'enregistrement a pris tant de temps. On avait un album complet en février 2004 mais quand on l'a réécoute dans nos nouveaux locaux, il ne correspondait plus à nos goûts. On a alors tout détruit et on a pris une nouvelle orientation. Direction San Francisco dans une décapotable pour un trip psychédélique. Le challenge, c'était de reproduire notre esthétique mais avec des instruments live comme la guitare qui est très en avant. On voulait que cet album soit comme le pendant acoustique de Music Has The Right To Children, travailler davantage en simultané, revenir à quelque chose de plus simple, plus positif, à un format plus pop. C'est pour ça que les voix ont disparu, le disque était déjà assez pop en lui-même et puis nous ne voulions pas que notre son soit toujours associé aux mêmes composants rentrer dans une mécanique où nous aurions eu l'impression de nous singer nous-mêmes. Ici, les tracks gardent un aspect répétitif mais ils se développent, grandissent, suivent un mouvement ascendant dans la retenue pour atteindre un sommet où tous les éléments sont alors lâchés: roulements de batterie, violons… On n'a pas trop l'habitude d'entendre ça en électronique où les tracks montent et descendent sans arrêt ou suivent une horizontalité. C'était en tout cas une nouvelle manière de travailler pour nous, une nouvelle façon de faire de l'électronique, j’espère qu'on y est arrivé.


Feu d’adieu

A vous seuls maintenant d'en juger, mais sachez que The Campfire Headphase ne se dévoilera pas d'emblée et qu'il étendra paisiblement sa toile dans votre esprit au fil des écoutes successives. Alors que la technologie façonne toujours plus notre quotidien, que le rythme de nos organismes s'accélère sans frein, que le monde ici-bas n'est qu'une immense vallée de larmes, Boards Of Canada revient à une forme d'ingénuité, ralentit la cadence jusqu'à figer le temps, ouvre une porte vers les nuages pour fuir les grises cités. Là où l'on peut se réchauffer simplement, entre amis, autour de ce feu de camp qu'ils nous invitent à allumer comme eux en cette soirée glacée lorsqu'ils se resserraient pour qu'il ne s'éteigne jamais.
Le titre de l'album est comme la projection mystique d'une expérience mentale que l'on peut avoir à ces moments-là, nous avouent-ils finalement sous forme d'énigme. Cette idée de plonger à l'intérieur d'un esprit et de penser l'album comme un road trip introspectif qui s'achèverait par ce track 'Farewell Fire', un feu d'adieu qui figurerait la sortie vers extérieur et célébrerait une grande communion avec les choses et l'univers.
Nous ne saurons jamais ce qu'ils mangeaient lors de leurs petites réunions improvisées, mais ce qui était évident en les quittant, c'était cette chaleur et cette simplicité avec lesquelles ils nous avaient accueilli et cette flamme dans leurs yeux, nous assurant que l'histoire n'était pas près de prendre fin. Là, dans cet âtre brûlait doucement feu sacré de Boards Of Canada, au pied de ce totem qui nous scrutait mystérieusement. Sur sa fiche en épigraphe, cette parole trois fois millénaire de l'obscur Héraclite : "Qui se dérobera au feu qui ne se couche pas?"


Translated Text

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Scans


Highlights


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References

  1. https://web.archive.org/web/20051025001714/http://www.journaux.fr:80/revue.php?id=84112